Thomas Fatôme : « Faire vivre pleinement la nouvelle convention médicale est un défi collectif »

Publié dans : Convention médicale 2024-2029

Les premières mesures tarifaires issues de la convention médicale 2024-2029, dont la revalorisation de la consultation du médecin généraliste à 30 €, s’appliqueront dès le 22 décembre prochain, 6 mois après l’entrée en vigueur du texte, conformément aux engagements pris lors de la signature. Et dès janvier 2025, commenceront à s’échelonner d’autres mesures fortes, comme la revalorisation des actes techniques de la CCAM. À la veille du déploiement de ces dispositions, Thomas Fatôme, directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, revient sur les enjeux et la portée de la convention, ainsi que sur l’esprit qui doit présider à sa mise en œuvre.

Les partenaires conventionnels ont souhaité faire de l’attractivité de la médecine libérale l’un des piliers de ce nouvel accord…

C’est en effet le premier enjeu de cette convention. Nous avons besoin que des médecins s’installent en libéral. Les médecins généralistes reçoivent un million de patients par jour, et les médecins spécialistes à peu près autant : la médecine libérale constitue le socle de la prise en charge de nos concitoyens. C’est pourquoi le texte propose un ensemble de mesures d’ampleur pour répondre au défi de l’attractivité : la revalorisation à 30 € de la consultation de référence (G) dès le 22 décembre – mesure évidemment très attendue –, des revalorisations ciblées et importantes pour différentes spécialités (pédiatres, psychiatres, endocrinologues, gériatres…), la revalorisation à 60 € de l’avis ponctuel de consultant, ou encore en 2026 une consultation longue à 60 € pour les patients à partir de 80 ans dans des situations particulièrement chronophages, qui répond elle aussi à une attente très forte des médecins. Sans oublier la possibilité de cumuler intégralement un certain nombre d’actes techniques avec des consultations, sujet sur lequel nous avons effectué avec les organisations représentatives un travail très fin pour identifier les sujets de santé publique et les actes justifiant la mise en place de ces cumuls intégraux. Et bien sûr, il faut ajouter la revalorisation des actes techniques de la CCAM. Une nouvelle CCAM est prévue pour 2026 mais nous n’avons pas voulu attendre : dès 2025, les actes techniques vont augmenter grâce à une première revalorisation.

La rémunération forfaitaire du médecin traitant va évoluer, concourant aussi à l’attractivité de l’exercice libéral. Quels vont être les changements ?

Cette rémunération forfaitaire va être transformée en profondeur. Un « forfait médecin traitant » (FMT), plus simple et plus lisible, viendra remplacer en 2026 à la fois l’actuel FPMT (1) et la Rosp (2). Avec le FMT, le médecin traitant bénéficiera d’une rémunération annuelle individualisée pour chacun de ses patients et liée à la complexité de leur suivi, en fonction de leur âge, de leur état de santé, de leur situation sociale. Quant au volet prévention du FMT, sa logique sera différente de celle de la Rosp. Cette dernière a permis d’améliorer la pertinence et la qualité des soins. Mais nous partagions avec les syndicats de médecins la conviction qu’il était compliqué de l’utiliser comme levier d’aide à la pratique, puisqu’elle reposait sur des indicateurs portant sur la globalité de la patientèle. Avec le FMT, la logique change et devient individuelle, patient par patient : les médecins traitants disposeront à l’avenir d’un tableau de bord, resserré sur une quinzaine d’indicateurs de santé publique, leur permettant de savoir, pour chacun de leur patient, s’il est éligible à des dépistages, à des vaccinations, s’il les a réalisés, etc. Le niveau d’information des médecins sera beaucoup plus fin et visuel qu’à l’heure actuelle. L’Assurance Maladie va poursuivre tout au long de 2025 un énorme travail sur l’exploitation et la mise en forme des données. C’est pourquoi ce FMT n’entrera en vigueur qu’en 2026.

Autre innovation du texte : des engagements collectifs partagés entre l’Assurance Maladie et les médecins dans 2 domaines…

Nous avons en effet voulu construire avec les représentants des médecins des engagements collectifs autour de l’accès aux soins, d’une part, et de la pertinence et de la qualité des soins, d’autre part.

S’agissant de l’accès aux soins, la convention définit 10 objectifs communs aux médecins et à l’Assurance Maladie pour mieux répondre aux besoins des assurés. Il s’agit par exemple de favoriser l’installation des médecins dans les zones sous-dotées, diminuer la part de patients ALD sans médecin traitant, déployer massivement les assistants médicaux pour redonner du temps médical aux médecins, etc. Si ces engagements ne sont pas opposables aux médecins à titre individuel, l’atteinte des objectifs au niveau collectif repose évidemment sur la mobilisation de chacun. 

J’ajoute que de nombreuses mesures fortes de la convention 2024 ont pour ambition de faciliter l’atteinte des 10 objectifs collectifs sur l’accès aux soins, parmi lesquelles la revalorisation de l’aide à l’emploi d’un assistant médical et les assouplissements qui y ont été apportés depuis juin dernier, l’instauration d’un financement significatif des équipes de soins spécialisés (ESS), ou encore la simplification et l’automatisation des aides à l’installation en zone sous-dense et la création des « consultations avancées », destinées à inciter les médecins qui ne sont pas installés en zone d’intervention prioritaire (ZIP) à y intervenir ponctuellement. L’innovation la plus importante pour lutter contre les déserts médicaux, c’est d’agir non pas par des contrats démographiques qui peinent toujours à être connus et lisibles mais de jouer sur le FMT, qui sera relevé de 10 % pour les médecins installés dans les zones sous-denses. 

S’agissant de la pertinence et de la qualité des soins, la même logique des engagements réciproques s’applique : 15 programmes d’action, qui contiennent des objectifs chiffrés, ont été construits conjointement par l’Assurance Maladie et les représentants des médecins. Ils concernent par exemple les prescriptions de produits de santé, d’arrêts de travail, mais aussi de transports, de radiologie et de biologie, et prennent appui sur des référentiels scientifiques, qui nous guident pour une santé publique de qualité. L’Assurance Maladie, là encore, a pris des engagements, pour informer, accompagner, et outiller les médecins, pour favoriser l’atteinte de ces objectifs.

Pour soutenir le déploiement de la convention, 2 observatoires - sur l’accès aux soins, d’une part, et sur la pertinence et la qualité de la prise en charge, d’autre part - seront prochainement installés. Ils permettront de suivre de manière transparente et dans le temps, avec les représentants des médecins, l’atteinte des objectifs que nous nous sommes fixés ensemble.

À la veille de l’entrée en vigueur des premières mesures d’ampleur de la convention, quel message souhaitez-vous transmettre aux médecins libéraux ?

Une convention, c’est plus un commencement qu’une fin. L’Assurance Maladie a investi massivement - 1,6 milliard d’euros – et nous avons collectivement abouti à une convention riche et ambitieuse. Mais elle ne réussira que si chacun s’empare de son contenu. C’est maintenant à chacun d’entre nous de la faire vivre afin qu’ensemble, nous puissions fortifier la médecine de ville et assurer l’accès à des soins de qualité pour nos concitoyens. La responsabilité est lourde pour tout le monde. C’est un défi collectif pour l’Assurance Maladie, les partenaires conventionnels et la médecine libérale.

Retrouver l'essentiel des mesures de la convention médicale 2024-2029

(1) Forfait patientèle médecin traitant.

(2) Rémunération sur objectifs de santé publique.

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