Trouble anxiodépressif léger à modéré
Les troubles en santé mental d’intensité légère à modérée concentrent la majorité des patients et sont pris en charge essentiellement par vous, en médecine générale.
Ces consultations nécessitent de développer une alliance thérapeutique en adoptant une attitude de compréhension, d’empathie, de confiance, de soutien, d’écoute et d’information.
Voici quelques éléments pour vous accompagner dans la prise en charge de vos patients.
Diagnostic et outils
L’anxiété, c’est-à-dire la crainte d’un danger, est présente chez tous les individus. Elle constitue une réponse à une situation potentiellement inquiétante. Elle est souvent ressentie comme désagréable. Les scientifiques considèrent cependant qu’elle joue un rôle dans notre capacité à affronter le danger et à nous adapter à une situation nouvelle.
L’anxiété peut devenir problématique lorsqu’elle devient trop intense, ou envahissante au point de perturber le quotidien et de générer un sentiment permanent d’insécurité, on parle alors de troubles anxieux.
Les troubles anxieux peuvent s’inscrire dans 2 cadres différents :
- en tant que signes ou symptômes associés dans presque tous les troubles psychiatriques notamment dans le syndrome dépressif ;
- en tant que diagnostic spécifique, réalisant les troubles anxieux :
- trouble anxieux généralisé (TAG) ;
- trouble panique ;
- trouble phobique.
Les TOC ne font plus partie des troubles anxieux dans le DSM5.
Le trouble anxieux généralisé (TAG) est caractérisé par des inquiétudes permanentes, durables (> 6 mois) difficilement contrôlables et axées sur au moins 2 thèmes différents. On l’appelle parfois la « maladie des inquiétudes ».
La caractéristique principale du TAG est l’appréhension continue non liée à un événement déclencheur particulier.
L’anxiété apparaît excessive (non justifiée par des éléments réels), non contrôlable, entraînant des troubles de concentration, des perturbations de l’endormissement.
Le trouble panique est un trouble anxieux caractérisé par la répétition d’attaques de panique pour certaines spontanées et imprévisibles.
L’attaque de panique correspond à un épisode d’anxiété paroxystique bien délimité dans le temps (20 à 30 minutes).
Elle se manifeste par 3 types de symptômes :
- physiques (cardiovasculaires, respiratoires, digestifs, neurovégétatifs, etc.) ;
- psychiques (sensation de catastrophe imminente, peur de mourir, peur de devenir fou, sentiment d’étrangeté, de déréalisation, etc.) ;
- comportementaux (de l’agitation à la prostration).
La répétition des crises entraîne l’apparition d’une anxiété anticipatoire pouvant se compliquer d’agoraphobie.
Une attention particulière doit être attachée à la recherche de prise de substances psychoactives et à l’élimination d’atteintes somatiques.
Le trouble phobique se caractérise par une peur intense, incontrôlable et irrationnelle, d’un objet ou d’une situation donnée.
Cette peur est source d’une souffrance intense, d’une anticipation anxieuse et de conduites d’évitement.
Les phobies spécifiques se limitent à des objets ou à des situations très particulières.
La phobie sociale (ou anxiété sociale) sort de ce cadre : c’est la peur d’agir de façon embarrassante ou humiliante sous le regard et jugement d’autrui.
Le diagnostic repose sur la présence d’obsessions et/ou de compulsions avec un impact fonctionnel des troubles et l’élimination d’autres troubles psychiatriques.
Les obsessions sont des irruptions de pensées, de pulsions, d’images en désaccord avec la pensée consciente du patient. Elles sont :
- récurrentes et persistantes ;
- ressenties comme intrusives et inappropriées par le patient ;
- sources d’anxiété ou d’inconfort, le patient luttant pour ignorer ou réprimer ces pensées, pulsions, images.
Les compulsions sont des comportements répétitifs (se laver, vérifier…) ou des actes mentaux (compter, répéter des mots, etc.) que le patient se sent forcé d’accomplir en réponse à une obsession. Ces compulsions sont destinées à neutraliser ou diminuer le sentiment de détresse ou à empêcher un événement ou une situation redoutée. Quand les compulsions sont très précises et stéréotypées, on parle de rituels.
L’évaluation de la gravité des troubles anxieux doit intégrer :
- Le retentissement fonctionnel (sur la vie sociale, familiale, professionnelle) ;
- l’association à d’autres troubles psychiatriques (notamment le syndrome dépressif) ;
- la reconnaissance du caractère pathologique (excessif et non raisonnable) du trouble. La conscience du trouble est appelée « insight » : c’est un facteur pronostique notamment pour les TOC.
Pour évaluer la gravité du trouble anxieux généralisé, l’échelle GAD7 peut être utilisée.
Le syndrome anxiodépressif associe des éléments anxieux de type généralisé et un syndrome dépressif.
Pour évaluer la gravité du trouble anxiodépressif, il convient d'associer les 2 échelles suivantes :
- échelle évaluant le syndrome dépressif : échelle PHQ9 (PDF) ;
- échelle évaluant le trouble anxieux : l’échelle GAD7 (PDF).
Adulte : tableau synthétique de l’approche thérapeutique en santé mentale
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Hygiène de vie
Les mesures hygiéno-diététiques suivantes à conseiller à vos patients sont :
- une quantité de sommeil suffisante à respecter : vous avez à votre disposition le mémo « J'apprends à bien dormir : quelques conseils simples et naturels pour un sommeil de qualité (PDF) destiné à vos patients et des ressources dans la rubrique « Insomnie chez l’adulte » publiée dans l’espace assuré d’ameli.fr ;
- un bon équilibre alimentaire ;
- une tempérance ou abstinence vis-à-vis de l’alcool, du café, du tabac et de drogues ;
- des techniques de relaxation, de gestion du stress ;
- une pratique régulière de l’exercice physique ;
- la lutte contre isolement.
Accompagnement psychologique
La psychothérapie est le traitement de référence de 1re intention en l’absence de signe de gravité.
Les psychothérapies (individuelles, familiales ou de groupe) les plus usuelles et ayant fait leur preuve d’efficacité sont :
- la thérapie de soutien ;
- les psychothérapies structurées :
- les thérapies cognitivocomportementales (TCC) qui ont prouvé leur efficacité sur les troubles anxieux ;
- les psychothérapies psychodynamiques ou d’inspiration analytique ;
- les thérapies systémiques ou familiales ;
- les thérapies interpersonnelles (TIP).
Le choix entre ces différentes thérapies est fait selon les symptômes et les préférences du patient.
La thérapie de soutien
Il s'agit d'une thérapie non codifiée dans sa technique, car non directive. Elle est basée sur l'empathie, la confiance, le soutien. Elle comprend une dimension de conseil, d'information et d'explications, permettant une compréhension partagée de la problématique du patient.
Une écoute active facilitant l'expression du patient peut en faire un outil thérapeutique à part entière vers un changement comportemental, affectif ou émotionnel.
Elle peut être réalisée par un médecin généraliste formé ou un psychiatre ou un psychologue clinicien, ou un psychothérapeute.
Le dispositif Mon soutien psy permet à toute personne (dès 3 ans) angoissée, déprimée ou en souffrance psychique d’intensité légère à modérée, de bénéficier de séances d’accompagnement psychologique avec une prise en charge par l’Assurance Maladie. Il existe depuis 2022 et a évolué au 15 juin 2024.
En effet, les patients peuvent désormais prendre rendez-vous directement avec un psychologue conventionné avec l’Assurance Maladie et partenaire du dispositif Mon soutien psy. Ils peuvent également choisir de consulter d’abord un professionnel de santé dans le cadre de leur parcours de soin, avant de prendre rendez-vous avec un psychologue.
Par ailleurs, le nombre et le tarif des séances ont été augmentés. En accord avec le psychologue, au total 12 séances peuvent être prise en charge par l’Assurance maladie par année civile et par patient, au tarif unique de 50 €.
Consulter la liste des psychologues conventionnés.
Pour en savoir plus lire l’article « Accompagnement avec un psychologue conventionné : le dispositif Mon soutien psy ».
Le recours à des psychologues peut également se faire :
- en libéral sur www.sante.fr ;
- au sein de centres médico-psychologiques (CMP).
Il peut aussi exister des professionnels et des offres de soins près du domicile de votre patient, voir la rubrique « Près de chez vous » (en cours de construction) en bas de cet article.
Recours au psychiatre
Le recours au psychiatre peut devenir nécessaire en cas d’évolution péjorative ou en l’absence d’amélioration.
En libéral : consulter la liste des professionnels et des offres de soins proche du lieu de domicile de vos patients (lire le dernier paragraphe de l’article « Près de chez vous »).
Il existe aussi l’annuaire du site sante.fr qui permet de rechercher un psychiatre près du lieu de domicile du patient. Autre ressource possible à fournir à vos patients : la liste des centres médico-psychologiques (CMP).
Il peut aussi exister des professionnels et des offres de soins près du domicile de votre patient, voir la rubrique « Près de chez vous » (en cours de construction) en bas de cet article.
Traitement médicamenteux
En l’absence de critères de gravité, le traitement médicamenteux n’est pas préconisé en 1re intention. Si besoin, des hypnotiques et des anxiolytiques peuvent être une aide temporaire en respectant les durées maximales de prescription.
Pour vous aider, consultez la fiche de la HAS sur le bon usage des médicaments intitulée « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’anxiété ? »
Le traitement de fond s’appuie sur les antidépresseurs mais n’est pas envisagé de 1re intention.
Arrêt de travail
Pour les troubles anxiodépressifs légers à modérés, l’arrêt de travail n’est pas systématique.
Dans un 1er temps, il convient d’évaluer si le contexte de travail est un facteur aggravant ou apaisant.
Dans le cas où le travail est un facteur protecteur, le maintien en emploi peut être thérapeutique. Dans le cas de difficultés dans le cadre professionnel, l’arrêt de travail a plusieurs fonctions : prendre du recul sur la situation, préparer la suite, reconstituer ses ressources physiques et psychiques.
Si besoin, arrêt court de 7 jours avec réévaluation à terme. Cette stratégie implique de rassurer le patient en lui expliquant que l’arrêt de travail sera prolongé si cela est nécessaire, car il faut éviter de générer une angoisse d’anticipation d’une reprise.
Pour vous aider, vous pouvez consulter :
- le mémo du Collège de médecine générale (CMG) ;
- établi en partenariat avec la HAS, le référentiel de durée de travail pour les troubles anxiodépressifs mineurs (en déployant l'accordéon « Arrêts de travail : durées de référence par pathologie ou intervention ») ;
- l’article « Place de l’arrêt de travail dans le trouble anxiodépressif et la dépression ».
Arrêt de travail : prévenir, prescrire, accompagner la reprise (vidéo)
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Arrêt de travail : prévenir, prescrire, accompagner la reprise
Trouble anxio-dépressif mineur - Femme 38 ans - Technicienne de surface
[La scène se passe dans un bureau dans une entreprise]
[Un médecin généraliste appelé Julia est en train d’écrire à son bureau et est rejoint par son confrère Maxime, également médecin généraliste]
[Le confrère médecin généraliste frappe à sa porte] et luit dit : Julia, j’te dérange ?
[Il entre dans son bureau] et lui dit : Dis, tu m’avais parlé d’une psychologue, mais tu as oublié de me donner son numéro.
[La consœur médecin généraliste lève la tête] et lui répond : Euuuuh ! Ah oui ! Euuuh ! Ben écoute, attends je te trouve ça.
[Le confrère médecin généraliste s’assoit] et dit : C’est la patiente que je viens de voir qui m’en a parlé, mais je ne pense pas qu’elle en ait besoin pour le moment.
[La consœur le regarde d’un air interrogatif] et lui répond : Ben t’es sûr ? Pas d’inquiétude ?
Le confrère : Pas vraiment mais son mari est préoccupé. Il l’a trouvé fatiguée. Il est venu avec elle en consultation pour me dire qu’elle avait du mal à dormir. Et qu’elle n’avait pas envie de sortir.
[Grand soupir de l’homme]
Le confrère : Mais, je n’ai rien trouvé d’alarmant à son interrogatoire. Je lui ai fait passer une évaluation avec test et pour moi, elle a juste un syndrome anxio-dépressif léger.
La consœur : Mais, il y a eu un facteur déclenchant ?
Le confrère : Oui, sa mère a été hospitalisée. Elle a été beaucoup auprès d’elle mais ça va mieux maintenant.
La consœur : Et au travail ?
Le confrère : Elle a un emploi peu qualifié. Elle fait le ménage dans des bureaux. Mais elle s’entend bien avec ses collègues et son employeur. Elle m’a dit qu’elle était contente de travailler, après s’être occupée de ses enfants pendant des années.
La consœur : Bon et t’as décidé quoi ?
Le confrère : Je peux lui donner les conseils habituels sur l’hygiène du sommeil, les techniques de relaxation, aucun traitement médicamenteux pour le moment.
La consœur : Tu l’as arrêtée ou pas ?
Le confrère : Oui, je lui ai fait un arrêt court de travail de 7 jours. Je veux la voir rapidement.
La consœur : Te connaissant tu lui as dit de sortir, de faire du sport et il ne faut surtout pas qu’elle s’isole.
Le confrère : Évidemment ! L’idée c’est qu’elle bouge un peu. Qu’elle s’occupe.
La consœur : Bon ça m’a l’air parfait !
Le confrère : Et pourtant, je ne peux pas m’empêcher de douter de moi dans les cas comme celui-ci. C’est difficile d’évaluer si l’arrêt est vraiment bénéfique.
La consœur : Mais ne t’inquiètes pas, tu la revoies dans une semaine. Tu pourras réévaluer avec elle la situation et si tu la trouves mieux, vous pourrez envisagez sa reprise.
Le confrère : Merci, chère consœur. Décidément, j’ai moins de mal pour les pathologies somatiques.
[Gros plan sur le visage de la femme]
La consœur : Ah ah ! Attends Maxime ! Tu sais, tu devrais aller faire un tout sur le site du Collège de médecine générale. Ils ont publié un document sur l’arrêt de travail dans les pathologies mentales.
Je pense que ça pourrait t’aider !
Le confrère : Ok ! Merci.
[Affichage d’une synthèse de la prise en charge du patient]
[Remerciements à Elian Bimbocci (Maxime) et Sonia Imbert (Julia)]
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Prévention de la désinsertion professionnelle
L’arrêt de travail présente des effets secondaires : l’isolement d’abord, puis le risque de chronicisation et de désinsertion professionnelle lorsque l’arrêt se répète ou se prolonge. Il est conseillé d’avoir dès le début un objectif partagé avec le patient de retour à l’emploi.
Pour prévenir ce risque, plusieurs solutions existent :
- orienter votre patient vers son médecin de santé du travail pour une visite médicale ou une visite de préreprise ;
- prendre contact avec le médecin-conseil via la messagerie sécurisée de votre espace amelipro pour échanger sur la situation et les dispositifs mobilisables : temps partiel thérapeutique, action de remobilisation pendant l’arrêt de travail, invalidité… ;
- orienter votre patient vers le service social de l’Assurance Maladie via le 3646 (service gratuit + prix de l’appel).
Pour aller plus loin, lire l’article « Accompagner la reprise du travail ».
Au coeur de votre pratique (vidéo)
Troubles anxiodépressif : quelle prise en charge ? (vidéo)
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[Trouble anxio-dépressif : Quelle prise en charge ?]
[Présentation du sujet fait par un homme]
[Une pathologie fréquente]
La prescription d’arrêt de travail pour une pathologie de santé mentale est une situation fréquente.
En France en 2021, les syndromes dépressifs et les troubles anxio-dépressifs mineurs sont les motifs qui ont entrainés les plus d’arrêt de jours de travail.
[Le rôle de l’arrêt de travail]
Dans ces situations l’arrêt de travail peut permettre au patient de mieux gérer ses difficultés ou les situations de stress.
[Apparition d’une bulle : Eviter le repos complet]
Néanmoins, pendant l’arrêt de travail, le repos complet n’est pas recommandé.
Incitez votre patient à ne pas rester isolé ou à pratiquer un exercice physique régulier.
[Les risques associés à la prolongation d’un arrêt]
[Apparition d’une bulle : Faut-il prolonger l’arrêt de travail ?]
Sans doute, vous demandez vous parfois, faut-il prolonger l’arrêt de travail ? Prolonger l’arrêt de manière excessive comporte des risques.
[Apparition d’une bulle : Aggraver l’anxiété]
Cela peut aggraver l’anxiété du patient face aux difficultés.
[Apparition d’une bulle : Chronicisation]
Favoriser la chronicisation de ses troubles
[Apparition d’une bulle : Désocialisation]
et entraîner une désocialisation.
C’est pourquoi, en cas de trouble anxiodépressif mineur, il est recommandé de réévaluer précocement l’arrêt de travail. Généralement dans les 7 jours suivant la prescription initiale.
Gardez à l’esprit que dans le cas du trouble anxiodépressif mineur, si l’arrêt de travail est nécessaire, la reprise est généralement possible au bout de 14 jours.
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