Dépression d'intensité sévère

Publié dans : Adultes

La dépression apparaît comme l'une des maladies les plus répandues en France. Selon la Haute Autorité de santé (HAS), une personne sur 5 connaîtra un épisode dépressif dans sa vie, souvent d’intensité légère à modérée.

La prise en charge des épisodes dépressifs est essentiellement assurée par le médecin généraliste, le plus souvent seul.

Ces consultations nécessitent de développer une alliance thérapeutique en adoptant une attitude de compréhension, d’empathie, de confiance, de soutien, d’écoute et d’information.

Voici quelques éléments pour vous accompagner dans la prise en charge de vos patients.

Pour tout savoir sur la prise en charge de cette pathologie, lire l’article « Épisode dépressif caractérisé (EDC) de l’adulte ».

Un épisode dépressif caractérisé, d’autant plus s’il est sévère, peut comporter :

  • des idées suicidaires (planifications, intentions ou tentative) ;
  • des symptômes psychotiques (hallucination, délire) qui sont plus fréquemment congruents à l’humeur ;
  • une incapacité à maintenir les activités quotidiennes : hygiène corporelle, alimentation, etc.

Échelles et questionnaires : l’échelle PHQ9 (PDF) peut vous aider pour le diagnostic et/ou pour évaluer la sévérité de l’épisode dépressif. 

Le risque suicidaire doit être évalué via les 3 axes suivants :
Risques - Urgence - Dangerosité (RUD)

Évaluation via les axes Risques, Urgence, Dangerosité (RUD)
Facteurs de Risque Individuels/
personnels
les antécédents suicidaires personnels et familiaux
santé mentale : diagnostic de trouble mental (troubles affectifs, troubles de la personnalité, psychose), abus ou dépendance à l’alcool ou aux drogues
difficultés dans le développement : difficultés personnelles et sociales au cours de l’enfance et de l’adolescence
estime de soi : faible ou fortement ébranlée
tempérament et style cognitif : présence de comportements agressifs, impulsivité, rigidité de la pensée, difficultés à résoudre un problème et trouver des solutions
santé physique : problèmes de santé physique qui affectent la qualité de vie
Événements de vie : élément déclencheur : l’élément récent qui amène la personne en état de crise familiaux : antécédents de violence ou abus subis (physique ou sexuel), pertes et abandons précoces, négligence des parents, toxicomanie et alcoolisme des parents, antécédents suicidaires dans la famille, santé mentale des parents
situation économique : pauvreté économique
isolement social : le réseau social est inexistant ou pauvre
séparation ou perte récente qui affecte encore le patient
difficultés dans le développement : difficultés scolaires ou professionnelles, placement durant l’enfance/adolescence
contagion suite à un suicide : la personne est affectée par un suicide récent
difficultés avec la loi (infractions, délits)
Urgence   pertes, échecs ou événements humiliants
passage à l’acte imminent et planifié : dans les heures ou jours qui viennent : a pris des dispositions en vue d'un passage à l'acte, a communiqué intention à un tiers 
scénario élaboré (comment, où)
Danger   n'envisage pas d'alternative au suicide
accessibilité du moyen létal envisagé

Risque suicidaire élevé :

  • patient décidé : sa planification est claire et le passage à l’acte est prévu pour les jours qui viennent ;
  • patient coupé de ses émotions : il rationalise sa décision ou est très émotif, agité, troublé ;
  • patient se sentant complètement immobilisé par la dépression ou dans un état de grande agitation ;
  • patient avec une douleur et une expression de la souffrance omniprésentes ou complètement tues ;
  • patient ayant un accès direct et immédiat à un moyen de se suicider ;
  • patient ayant le sentiment d’avoir tout fait et tout essayé ;
  • patient très isolé.

Indications d’hospitalisations :

  • patient avec un scénario suicidaire construit imminent ;
  • patient avec un risque immédiat d'automutilation ;
  • patient avec un potentiel de violence ;
  • certaines formes sévères de dépression, en cas de symptômes psychotiques ou somatiques sévères associés ;
  • présence d’une forte agitation anxieuse avec manque de contrôle émotionnel ou impulsivité ;
  • sevrage de substance psychoactive ;
  • à chaque fois qu’une situation particulière l’exige.

Adulte : tableau synthétique de l’approche thérapeutique en santé mentale

Télécharger ce tableau sous format PDF facilement imprimable en haute définition.

Les mesures hygiéno-diététiques suivantes ne sont pas prioritaires dans la prise en charge à ce niveau de sévérité, cependant elles peuvent être conseillées :

La psychothérapie sera à envisager en association avec le traitement médicamenteux dès que l’état du patient lui permettra d’y participer.

Pour aller plus loin, lire l’article « Épisode dépressif caractérisé (EDC) de l’adulte », en particulier le paragraphe dédié à la prise en charge thérapeutique et le suivi.

Le recours à des psychologues peut également se faire :

La thérapie de soutien

Il s'agit d'une thérapie non codifiée dans sa technique, car non directive. Elle est basée sur l'empathie, la confiance, le soutien. Elle comprend une dimension de conseil, d'information et d'explications, permettant une compréhension partagée de la problématique du patient.

Une écoute active facilitant l'expression du patient peut en faire un outil thérapeutique à part entière vers un changement comportemental, affectif ou émotionnel.

Elle peut être réalisée par un médecin généraliste formé ou un psychiatre ou un psychologue clinicien, ou un psychothérapeute.

Il peut aussi exister des professionnels et des offres de soins près du domicile de votre patient, voir la rubrique « Près de chez vous » (en cours de construction) en bas de cet article.

Le recours au psychiatre doit être direct et avec un degré d’urgence adapté au risque suicidaire.

Si le risque suicidaire est élevé, l'hospitalisation directe est recommandée.

En libéral : consulter la liste des professionnels et des offres de soins proche du lieu de domicile de vos patients (lire le dernier paragraphe de l’article « Près de chez vous »).
Il existe aussi l’annuaire du site sante.fr qui permet de rechercher un psychiatre près du lieu de domicile du patient. Autre ressource possible à fournir à vos patients : la liste des centres médico-psychologiques (CMP).

Il peut aussi exister des professionnels et des offres de soins près du domicile de votre patient, voir la rubrique « Près de chez vous » (en cours de construction) en bas de cet article.

Si l’urgence n’est pas à l’hospitalisation, un traitement par antidépresseur doit être instauré d’emblée pour une durée minimum de 6 à 12 mois à partir de l’amélioration et à dose efficace.

Une réévaluation régulière (risque suicidaire, efficacité thérapeutique) est nécessaire en concertation avec le psychiatre.

Pour vous aider, consultez la fiche de la HAS « Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en premier recours ».

La prescription d'hypnotiques et d'anxiolytiques peuvent être d’une aide temporaire si le tableau clinique le nécessite, en respectant les durées maximales de prescription.

Pour vous aider, consultez la fiche de la HAS sur le bon usage des médicaments intitulée « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’anxiété ? » 

2 options pour la prescription de l’arrêt :

  • un arrêt court de 1 à 2 semaines avec réévaluations programmées entre 3 et 7 jours (permet de réévaluer les critères de gravité) ;
  • ou un arrêt de 1 mois d’emblée avec réévaluations hebdomadaires au cours de l’arrêt.

Cette stratégie implique de rassurer le patient en lui expliquant que l’arrêt de travail sera prolongé si cela est nécessaire, car il faut éviter de générer une angoisse d’anticipation d’une reprise.

Pour vous aider, vous pouvez :

Dépression : quelle prise en charge ? (vidéo d'expert)

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Au cœur de votre pratique - LA WEB-SERIE
Arrêt de travail : prévenir, prescrire, accompagner la reprise
Épisode dépressif caractérisé d’intensité moyenne : homme 41 ans - Agent de sécurité
[La scène se passe dans un bureau dans une entreprise]
[Un médecin généraliste appelé Maxime est en train d’écrire à son bureau et est rejoint par sa consœur Julia, également médecin généraliste]
La consœur médecin généraliste luit dit : Ah ! Je suis contente. Je viens de voir un patient qui a fait une dépression. On peut dire qu’il m’aura bien inquiété celui-là.
Le confrère médecin généraliste répond : Il va mieux ?
Elle lui répond : Ouais ! Il remonte la pente. Il vient enfin de reprendre le travail à temps plein, après 4 mois d’arrêt.
L’homme : Ah ouais ! 4 mois, c’est long !
La femme : Ah ! Pas dans son cas ! Quand sa femme l’a quitté, il était vraiment mal au début.
Alors heureusement pas d’idées suicidaires. Mais il avait quand même perdu 5 kg. Il ne sortait pas de chez lui.
Il passait tous les week-ends chez ses parents pour assurer la garde de ses enfants.
Il a même failli démissionner de son poste d’agent de sécurité tellement il ne sentait plus à la hauteur.
L’homme : Ah ouais ! Je vois. Et comment tu lui as dit ?
La femme : Déjà en lui faisant accepter l’arrêt de travail et puis on a convenu que je le vois une fois par semaine en thérapie de soutien.
L’homme : Ah oui, c’est vrai que t’as fait une formation à la psychothérapie !
Moi, je t’avoue que j’ai un peu de mal avec les pathologies mentales.
La femme : Faut absolument que je te donne les coordonnées d’une très bonne psychologue.
C’est elle que je conseille à tous mes patients quand je n’ai pas le temps de les suivre en thérapie.
L’homme : Je veux bien, merci. Et pour en revenir à ton patient, la thérapie à fonctionnée ?
La femme : Ouais, j’ai réussi à établir une bonne relation avec lui, mais j’ai quand même dû lui prescrire un antidépresseur après quelques séances.
L’homme : Ah bon ! Insomnie, anxiété, rumination !
La femme : Insomnie surtout ! Et puis, il ne reprenait pas assez de poids !
Il a quand même fallu plus d’un mois avant que je commence à voir des améliorations.
Puis progressivement, il s’est mis à sortir un peu plus, à s’occuper tous seul de ses enfants.
Et il y a un mois, il est même sorti avec des collègues.
L’homme : Ben ça, c'est un bon signal en général.
La femme : Ouais, il remonte la pente. Pendant cette période, je me suis entretenue avec le Médecin-conseil et on a jugé qu’il était prêt pour une visite de pré-reprise chez le médecin du travail pour organiser sa reprise.
Alors au début, mon patient était un peu réticent, il avait peur d'être stigmatisé, mais j'ai réussi à le convaincre que c’était dans son intérêt.
L’homme : Et vous avez mis en place un temps partiel thérapeutique ?
La femme : Ouais tout à fait ! Sur une période de 15 jours pour qu'il reprenne le rythme et le médecin du travail a aussi jugé qu'il fallait qu'il passe en horaires de jour parce que son sommeil était trop fragile.
L’homme : Ça doit lui faire du bien de retourner au boulot ! Moins de cogitation, plus de sujets de réflexion.
La femme : Ah ben écoute, j’espère. En tout cas, aujourd’hui, ça fait une semaine qu’il a repris à temps plein, j’ai l’impression que ça se passe bien.
Je l’ai trouvé plus dynamique. Mais je vais quand même continuer à le suivre sur plusieurs mois pour éviter une rechute.

[Affichage d’une synthèse de la prise en charge du patient]

[Remerciements à Elian Bimbocci (Maxime) et Sonia Imbert (Julia)]

[Logo : Nell & ASSOCIÉS] [logo : Assurance Maladie]

 

L’arrêt de travail présente des effets secondaires : l’isolement d’abord, puis le risque de chronicisation et de désinsertion professionnelle lorsque l’arrêt se répète ou se prolonge. Il est conseillé d’avoir dès le début un objectif partagé avec le patient de retour à l’emploi.

Pour prévenir ce risque, plusieurs solutions existent :

  • orienter votre patient vers son médecin de santé du travail pour une visite médicale ou une visite de préreprise ;
  • prendre contact avec le médecin-conseil via la messagerie sécurisée de votre espace amelipro pour échanger sur la situation et les dispositifs mobilisables : temps partiel thérapeutique, action de remobilisation pendant l’arrêt de travail, invalidité… ;
  • orienter votre patient vers le service social de l’Assurance Maladie via le 3646 (service gratuit + prix de l’appel).

Pour aller plus loin, lire l’article « Accompagner la reprise du travail ».

Réagir face à une suspicion de dépression.

[Logo Assurance Maladie] [Fond musical identité sonore de l’Assurance Maladie]


[au cœur de votre pratique - LE DECRYPTAGE]


[Dépression : quelle prise en charge ?]


[Réagir face à une suspicion de dépression]


[Un homme fait la présentation du thème de cette vidéo]


Comment réagir, lorsque vous suspectez une dépression chez un de vos patients ?


[Apparition d’une bulle : Diagnostic clinique initial]


Commencez par établir le diagnostic clinique initial.


Cela vous permettra de confirmer s’il s’agit bien d’une dépression et d’évaluer sa gravité.


[Apparition d’une bulle : Les questionnaires de diagnostic]


Pour cela appuyez sur les questionnaires de diagnostic.
Le traitement de référence repose sur la psychothérapie seule dans les états dépressifs caractérisés d’intensité légère, associée à des antidépresseurs pour les états dépressifs d’intensité moyenne, avec risques suicidaires et/ou auto-dévalorisation, et/ou ralentissement idéomoteur marqué.
La prescription initial d’un arrêt de travail doit être raisonnée.
Évitez de considérer l’arrêt de travail comme l’unique traitement


[Apparition d’une bulle : Un suivi rapproché]
et mettez en place un suivi rapproché.


Il convient ainsi d’établir un projet thérapeutique incluant la programmation de la reprise du travail.


[Apparition d’une bulle : Le travail Facteur aggravant ou protecteur]


Déterminez si le travail est un facteur aggravant ou protecteur pour votre patient.
Dans le cas où le travail est un facteur protecteur, le maintien en emploi peut être thérapeutique.
Dans le cas où le travail est un facteur aggravant, il convient d’orienter le patient vers une visite de pré-reprise avec le médecin du travail, afin d’évaluer sa capacité de reprise et d’organiser les conditions de son retour.
Enfin, quand vous prescrivez des antidépresseurs, veillez à la bonne observance du traitement jusqu’à son terme.
La prescription d’antidépresseur doit couvrir une période de 6 mois minimum.
Les états dépressifs caractérisés d’intensité sévère nécessitent une prise en charge spécialisée, en raison du risque suicidaire élevé.

 [Logo : Nell & ASSOCIÉS] [logo : Assurance Maladie]

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