Éléments clés pour éviter le passage à la chronicité
Publié dans : Lombalgies : prévenir et accompagner
12 mars 2024
Selon que le patient souffre de lombalgie aiguë, subaiguë ou chronique, la marche à suivre pour éviter ou agir sur la chronicité diffère.
La lombalgie peut être divisée en trois formes : la lombalgie aiguë, la lombalgie subaiguë et la lombalgie chronique.
Une lombalgie aiguë peut durer jusqu’à 4 semaines. Dans ce cas, il faut diagnostiquer la maladie, rassurer le patient et lui conseiller de maintenir une activité physique ou socioprofessionnelle.
Une lombalgie subaiguë peut durer de 4 à 12 semaines. Dans ce cas, il faut réévaluer la clinique, mettre en place une rééducation active et réévaluer les risques de passage à la chronicité.
Une lombalgie chronique a une durée supérieure à 3 mois. Dans ce cas, il faut réévaluer la clinique, mettre en place un dispositif de soins pluriprofessionnel et mettre en place un accompagnement psychologique.
Jusqu’à 4 à 6 semaines, voici la marche à suivre.
- faire un diagnostic de situation, en analysant :
- les aspects médicaux (signes généraux, signes déficitaires...),
- les aspects psychologiques,
- les aspects sociaux (personnel, professionnel) ;
- rassurer son patient : la lombalgie aiguë commune évolue naturellement de manière favorable en quelques jours ou semaines dans l’immense majorité des cas ;
- l’encourager à maintenir une activité physique et professionnelle adaptée à la douleur :
- il n’y a aucune contre-indication à la pratique d’une activité physique et/ou sportive en cas de poussée aiguë de lombalgie. Avec quelques conseils et en se référant à l’application mobile Activ’Dos, le patient peut se prendre en charge seul,
- en cas d’arrêt, rappeler au patient qu’il n’est pas nécessaire d’attendre la disparition complète des symptômes pour reprendre le travail. La reprise précoce du travail améliore le pronostic ;
- en l’absence de drapeaux rouges, ne pas proposer systématiquement un examen d’imagerie aux personnes présentant une lombalgie avec ou sans douleur radiculaire. Ne prescrire un examen d’imagerie que lorsque le résultat attendu de l’examen est susceptible d’influencer la prise en charge ;
- expliquer aux personnes présentant une lombalgie avec ou sans douleur radiculaire qu’un examen d’imagerie n’est pas nécessairement requis, même si vous les orientez vers un spécialiste pour avis ;
- mettre en place un traitement médicamenteux de la douleur, adapté à son intensité, et qui peut aider au maintien de l’activité.
Entre 4/6 semaines et la fin du 3e mois, mettre en place le protocole suivant :
- réévaluer la clinique pour s’assurer de l’absence de complications (déficit moteur, syndrome de la queue de cheval) ;
- réévaluer et approfondir l’évaluation des facteurs de risque de passage à la chronicité ;
- préciser le mécanisme étiologique et demander si besoin un avis médical spécialisé ;
- expliquer aux personnes présentant une lombalgie avec ou sans douleur radiculaire qu’un examen d’imagerie n’est pas nécessairement requis, même si vous les orientez vers un spécialiste pour avis ;
- réévaluer le projet de soins établi avec le patient (dans ses composantes médicale, fonctionnelle, psychologique et socio-professionnelle) ;
- mettre en place une rééducation active (si nécessaire dès la fin de la phase aiguë) : lire Éléments clés de la prise en charge pluridisciplinaire de la lombalgie commune ;
- mettre en place une concertation avec le service de la médecine du travail et le service du contrôle médical de l’Assurance Maladie, en cas d’arrêt de travail, afin de prévenir une désinsertion socio-professionnelle : lire Lombalgie commune : favoriser le maintien de l’activité professionnelle.
Au-delà de 3 mois :
- réévaluer la clinique ;
- inscrire son patient dans un dispositif de soins coordonnés pluriprofessionnels.
Quand demander l’avis du chirurgien ?
Après une évaluation spécialisée du rhumatologue ou du médecin de médecine physique et de réadaptation, et selon des critères précis pour s’assurer qu’il s’agisse toujours d’une lombalgie chronique commune en tenant compte :
- du contexte socioprofessionnel ;
- des traitements antérieurs ;
- des examens d’imagerie antérieurs ;
- de comorbidités ou de tout facteur susceptible d’influer sur le résultat de la chirurgie.
Et en informant le patient des options thérapeutiques disponibles, et des risques de la chirurgie ainsi que de ses résultats.
Il existe de nombreuses recommandations éditées par les sociétés savantes et autres organismes de santé, au niveau national ou européen. Ces recommandations ont pour but de faire émerger un consensus médical en faveur d’une prise en charge adaptée à la pathologie et au vécu du patient. Pour cela, la prise en charge actuelle des patients souffrant de lombalgie s’appuie sur les recommandations médicales en vigueur ainsi que sur une nouvelle recommandation de la HAS publiée en mars 2019. Le but est ainsi de préserver la qualité de vie et les activités quotidiennes du patient.
Les recommandations en matière de prise en charge de la lombalgie émanent de sociétés savantes reconnues internationalement.
En mars 2019, la HAS a publié une nouvelle recommandation sur la prise en charge du patient présentant une lombalgie commune dont les points clefs sont les suivants :
- il est essentiel de délivrer une information rassurante quant au pronostic : dans 90 % des cas, la lombalgie commune évolue favorablement en moins de 4 à 6 semaines ;
- en l’absence de drapeau rouge, il n’y a pas d’indication à réaliser une imagerie rachidienne dans le cas d’une poussée aiguë de lombalgie avec ou sans radiculalgie, compte-tenu de l’absence de corrélation systématique radio-clinique ;
- l'activité physique est le traitement principal permettant une évolution favorable de la lombalgie et d’éviter une récidive ;
- les patients à risque de chronicité doivent être identifiés précocement, afin de réaliser de la kinésithérapie avec participation active du patient. En l’absence d’amélioration, la prise en charge multidisciplinaire inclut un médecin spécialiste du rachis et si nécessaire un médecin du travail ;
- la prise en charge globale du patient, dite « bio-psycho-sociale », doit être centrée sur le patient : elle prend en compte le vécu du patient et le retentissement de sa douleur (dimensions physique, psychologique et socio-professionnelle). Elle s’appuie sur une décision médicale partagée.
Les objectifs de la prise en charge doivent être :
- éviter la chronicisation ;
- permettre au patient de reprendre son activité le plus rapidement possible ;
- éviter la iatrogénie.
Les objectifs des premières consultations seront :
- rassurer le patient sur le bon pronostic général du mal de dos ;
- rassurer le patient sur la rareté d’atteintes graves du rachis et l’absence de signes signifiant une telle atteinte ;
- rassurer le patient sur la reprise ou la poursuite des activités, y compris le travail, même s’il y a des symptômes ;
- éviter d’étiqueter le patient en insistant exagérément sur une atteinte spécifique de la colonne et sur son impact.
L’analyse clinique doit être pluridimensionnelle : biomédicale, psychologique et sociale.
La démarche du médecin est centrée sur le patient, permettant de construire avec lui une décision le concernant. Ces principes reposent sur des modèles de la relation médecin-patient, comme les consultations motivationnelles. Et ce, pour sortir du modèle purement biomédical curatif, vers des consultations au cours desquelles le patient est impliqué dans l’analyse de la situation et les décisions qui le concernent.
Le traitement repose sur la mobilisation, l’activité physique modérée ayant démontré une reprise de l’activité professionnelle plus rapide que le repos. La kinésithérapie peut faciliter la reprise de l’activité.
En cas de persistance des symptômes au-delà de 4 semaines, des examens complémentaires peuvent être nécessaires, ainsi qu’une approche pluridimensionnelle, voire spécialisée.
Venus de 13 pays différents, 38 experts, dont des rhumatologues membres de la Société Française de Rhumatologie, ont participé à la rédaction de recommandations européennes COST B13 (Cooperation in field of Scientific and Technical Research B13) en matière de prévention et de prise en charge de la lombalgie commune.
Ces recommandations ont été élaborées de manière pluridisciplinaire en Europe (participation d’épidémiologistes, rhumatologues, médecins de rééducation physique et de réadaptation, chirurgiens orthopédiques, médecins anesthésistes, kinésithérapeutes). L’objectif était d'aider les professionnels de la santé et les patients dans leur prise de décision.
L’objectif est d’améliorer le repérage et l’évaluation des situations professionnelles.
La Société Française de Médecine du Travail, en collaboration avec l’INRS, la Société française de rhumatologie (SFR), l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le STES, et l’Université de Liège a publié en 2013 des Recommandations de Bonne Pratique : « Surveillance médico-professionnelle du risque lombaire pour les travailleurs exposés à des manipulations de charges », labellisées sur le plan méthodologique par la Haute Autorité de Santé (HAS).
Les objectifs de ces recommandations visent à optimiser la prévention et le suivi médical des lombalgies chez les travailleurs exposés à des MMC. Elles portent sur :
- le repérage et l’évaluation des situations professionnelles exposant à des MMC ;
- la surveillance médicale, afin de dépister et limiter les atteintes lombaires liées à l’exposition à des MMC, dans le cadre d’une stratégie de prévention intégrée, collective et individuelle, en milieu de travail.
L’ensemble des recommandations européennes (2006 COST B13, NICE 2016 guideline NG59 pour le Royaume-Uni, KCE 2017 reports vol 287B pour la Belgique, et internationales - Guideline for the Evidence-Informed Primary Care Management of Low Back Pain pour la Canada, Diagnosis and Treatment of Low Back Pain: A Joint Clinical Practice - Guideline from the American College of Physicians pour les États-Unis), se positionne sur les mêmes messages clés :
- Maintien ou reprise des activités habituelles (professionnelles ou non) en privilégiant les thérapeutiques non invasives afin de permettre cette reprise.
- Pas de recours systématique à un examen d’imagerie, sauf si le résultat attendu est susceptible d’influencer la prise en charge.
- Le NICE préconise différents outils permettant de prédire le risque d’une évolution vers une incapacité fonctionnelle chronique, comme les questionnaires STarT Back Screening tool et Örebro Musculoskeletal Pain Screening Questionnaire (ÖMPSQ) short version.
- Le KCE insiste aussi sur l’importance de chercher ces facteurs de risque (drapeaux jaunes) et de stratifier le risque de passage à la chronicité. Ces 2 tests ont chacun leurs avantages et inconvénients et peuvent être utilisés dans différents contextes. Les patients à faible risque n’ont besoin que d’une approche simple avec maintien des activités et autogestion par le patient. Les patients à risque élevé de passage à la chronicité nécessitent un soutien plus complexe et intensif, avec par exemple un programme d’exercices supervisés.
- À titre d’information, remise d'un document destiné à tout patient lombalgique dans le but de favoriser le dialogue, de lutter contre les fausses croyances et les peurs afin de l’aider à garder confiance se mobilisant.
- Haute Autorité de Santé (HAS). Prise en charge du patient présentant une lombalgie commune. Fiche mémo. Site internet : HAS. Saint-Denis la Plaine (France) ; 2019 [consulté le 17 avril 2019]
- Haute Autorité de santé (HAS). Lombalgie chronique de l’adulte et chirurgie. Site internet : HAS. Saint-Denis La Plaine (France) ; 2016 [consulté le 24 octobre 2017]
- Haute Autorité de santé (HAS). Prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies et lombosciatiques communes de moins de trois mois d’évolution. Site internet : HAS. Saint-Denis La Plaine (France) ; 2000 [consulté le 24 octobre 2017]
- Haute Autorité de santé (HAS). Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique. Site internet : HAS. Saint-Denis La Plaine (France) ; 2000 [consulté le 24 octobre 2017]
- Haute Autorité de santé (HAS). Prise en charge masso-kinésithérapique dans la lombalgie commune : modalités de prescription. Site internet : HAS. Saint-Denis La Plaine (France) ; 2005 [consulté le 24 octobre 2017]
- Lombalgie commune en soins premiers, SFMG, mars 2017.
- CMG – Lombalgie commune en médecine générale – Avril 2017.
- Haute Autorité de santé (HAS). Label de la HAS - Surveillance médico-professionnelle du risque lombaire pour les travailleurs exposés à des manipulations de charges. Site internet : HAS. Saint-Denis La Plaine (France) ; 2013 [consulté le 24 octobre 2017]
- National Institute for Health and Care Excellence (NICE). Low back pain and sciatica in over 16s: assessment and management. Site internet : NICE. Royaume-Uni ; 2016 [consulté le 24 octobre 2017]
- Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). Guide de pratique clinique pour les douleurs lombaires et radiculaires. Site internet : KCE. Belgique ; 2017 [consulté le 24 octobre 2017]
- Quelques éléments d’information destinés aux professionnels de santé concernant le patient adulte atteint de lombalgie communeBrochure - PDF, 1.3 Mo
- Lombalgie commune : comment orienter la prise en charge pluridisciplinaire et favoriser la reprise de l’activité professionnelleBrochure - PDF, 2.21 Mo
- Prise en charge du patient présentant une lombalgie commune (has-sante.fr)Mémo
- Arrêt de travail - Lombalgie communeFiche pratique - PDF, 437.12 Ko
- Éléments d’information sur la kinésithérapie dans le cadre de la lombalgie communeBrochure - PDF, 1.23 Mo
- Je souffre de lombalgie : de quoi s'agit-il et que faire ?Brochure - PDF, 11.66 Mo
Cet article fait partie du dossier : Lombalgies : prévenir et accompagner
- La lombalgie, un enjeu de santé publique
- Lombalgie aiguë, les messages clés pour vos patients
- Lombalgie commune : favoriser le maintien de l’activité professionnelle
- Éléments clés de la prise en charge pluridisciplinaire de la lombalgie commune
- Les outils consacrés à la prise en charge de la lombalgie commune