Prescrire selon l’état du patient en identifiant les situations à risque iatrogénique
Publié dans : Prévention du risque de iatrogénie chez les 65 ans et plus à travers la prescription
30 septembre 2024
Le vieillissement peut s’accompagner de modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques relatives à un bon nombre de médicaments.
- Concernant la pharmacocinétique :
- en cas de réduction de la fonction rénale, la posologie des médicaments à élimination rénale doit être adaptée au débit de filtration glomérulaire ;
- au regard de l'hypoprotidémie et de l'hémoconcentration chez les patients dénutris, il existe un risque potentiel de surdosage des médicaments fortement fixés aux protéines plasmatiques ;
- en fonction de la perte ostéo-musculaire et du gain adipeux, les volumes de distribution entre masse grasse et masse maigre sont modifiés et ainsi les médicaments lipophiles ont tendance à être stockés puis relargués ;
- la modification de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique peut entraîner une plus grande sensibilité aux médicaments agissant au niveau du système nerveux central (notamment effet sédatif).
- Concernant la pharmacodynamie :
- le vieillissement du cœur, en particulier la perte du contingent de cellules nodales, peut entraîner une plus grande sensibilité à certains médicaments (exemples : blocs conductifs) ;
- la fragilité osseuse nécessite de surveiller particulièrement le risque d'hypotension orthostatique lié à certains médicaments (risque de chutes, fractures).
Ces modifications physiologiques coexistent le plus souvent avec de multiples pathologies et sont aggravées par des épisodes aigus intercurrents qui expliquent que même des médicaments pris depuis très longtemps peuvent être à l'origine d'un accident médicamenteux.
De nombreux facteurs touchant spécifiquement les personnes âgées sont par ailleurs susceptibles d'interférer avec l'administration des médicaments :
- réduction des capacités physiques ;
- difficultés de communication ;
- troubles de la déglutition ;
- baisse de l'acuité visuelle ou de l'audition ;
- pathologies ou troubles de la mémoire
- troubles de la compréhension.
Les facteurs de risques sociaux et environnementaux, en particulier l'isolement social ou géographique, la dépendance, le changement du mode de vie, les conditions climatiques extrêmes, peuvent aussi influencer la prise en charge médicale et le suivi thérapeutique du patient. Un comportement suicidaire ou toxicomaniaque peut également être à l'origine d’un mauvais usage des médicaments.
D’autres situations peuvent expliquer la mauvaise utilisation des médicaments : la prise cumulée d’automédication et de médicaments sur prescription qui ont les mêmes effets, les effets indésirables qui nuisent à l’observance…
Les effets indésirables qui peuvent survenir sont parfois sous-estimés, notamment en raison de leur expression clinique, souvent banale, comme la fatigue, les chutes, la confusion ou encore la dyspnée.
Le bon usage du médicament
Face au mésusage et au détournement de certains médicaments, l’Assurance Maladie fait part de ses propositions autour des enjeux du bon usage du médicament dans son rapport Charges et Produits pour 2024 (espace institutionnel).
- Bien définir l’ensemble des pathologies et estimer le degré de gravité potentielle des maladies.
- Évaluer l’état général du patient :
- poids,
- autonomie dans ses activités quotidiennes,
- mode de vie,
- fonctions thymiques, cognitives, sensorielles, rénale,
- risque de chute,
- état nutritionnel et état cutané.
- Recenser l’ensemble de ses traitements en tenant compte des prescriptions établies par des spécialistes et de l’automédication éventuelle.
- Définir des objectifs thérapeutiques à court et moyen terme en prenant en compte les risques majeurs pour le patient et ses attentes.
- Privilégier des schémas thérapeutiques simples.
- Adapter (systématiquement à la fonction rénale) la posologie des médicaments en tenant compte des paramètres pharmacocinétiques des médicaments et de l'ensemble des modifications physiologiques et/ou pathologiques du patient.
- Prévoir la durée du traitement, les modalités de surveillance et les modalités d'arrêt.
- Encourager l'observance du patient en le motivant et en lui expliquant son traitement, les objectifs thérapeutiques, les modalités de suivi et d'arrêt éventuel et donner les explications à son l'entourage.
- Évaluer les capacités du patient à prendre seul ses médicaments et à s'impliquer dans la surveillance de son traitement ou si nécessaire, s'assurer que son entourage pourra le faire.
Cet article fait partie du dossier : Prévention du risque de iatrogénie chez les 65 ans et plus à travers la prescription