Les psychotropes
Publié dans : Focus sur les classes médicamenteuses sources de iatrogénie chez le sujet âgé de 65 ans et plus
28 octobre 2024
En 2019, près de 40 % des personnes âgées de 75 ans ou plus avaient été exposées à au moins une prescription potentiellement inappropriée (PPI). Les indicateurs de PPI les plus fréquents étaient la dispensation répétée de :
- benzodiazépines (BZD) à durée d’action courte ou intermédiaire (12 % des cas) ;
- hypnotiques apparentés aux BZD (10 %) ;
- BZD à longue durée d’action (9 %) (1).
Dans le cadre d’une consultation, les arbres décisionnels de la Haute Autorité de santé (HAS) inclus dans la boîte à outils ci-dessous sont un appui pratique pour diagnostiquer et traiter l’anxiété ou l’insomnie d’un patient âgé, en prenant en compte le risque iatrogénique.
Les autres documents serviront de fil conducteur pour éviter la surconsommation et le mésusage des BZD dans le cadre du traitement de l’anxiété et de l’insomnie. Ils permettent d’informer vos patients sur les dangers d’une prise au long cours (supérieure à 12 semaines) de ces médicaments :
- somnolences diurnes,
- chutes,
- accidents,
- troubles de la mémoire,
- risque de dépendance amplifié.
En cas de prescription de BZD ou médicaments apparentés, il convient, dès l’instauration du traitement, d’expliquer au patient que, compte tenu des risques de dépendance, la prise de ces médicaments doit être de courte durée, et de lui indiquer les modalités d’arrêt.
Dans le cadre d’une demande de renouvellement du traitement ou pour les patients qui prennent ces médicaments quotidiennement depuis plus de 30 jours, il est recommandé de les inciter à s’interroger sur la mise en œuvre d’un arrêt. La fiche mémo HAS sur l’arrêt des BZD et médicaments apparentés ainsi que l’algorithme de déprescription canadien mis à votre disposition viendront en appui de cette démarche.
Chez les patients anxieux, selon le guide « PAPA » (Prescriptions médicamenteuses Adaptées aux Personnes Âgées), conçu par la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et le Conseil national professionnel de gériatrie (CNP) :
- les classes thérapeutiques et médicaments ayant un rapport bénéfice/risque élevé doivent être prescrits en priorité :
- BZD à demi-vie courte sans métabolite actif (Alprazolam, Lorazépam, Oxazépam, Clotiazépam) (2) ;
- les médicaments pour lesquels le risque iatrogène l’emporte sur les bénéfices doivent être évités ou proscrits :
- BZD à demi-vie longue ;
- association de 2 BZD ;
- traitement par BZD supérieur à 12 semaines ;
- hydroxyzine en raison de ses effets anticholinergiques ;
- neuroleptiques dans cette indication.
Chez les patients souffrant d’insomnie, selon la HAS, qui se positionne contre le renouvellement systématique des prescriptions d’hypnotiques, les benzodiazépines hypnotiques au long cours ont un intérêt thérapeutique limité (3).
Alors que leur durée de prescription est limitée à 4 semaines, certains patients y ont recours pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Or, au-delà de 28 jours, l’efficacité est incertaine tandis que les risques d’effets délétères augmentent. Le constat de faible intérêt thérapeutique des benzodiazépines devrait permettre de développer le recours et l’accès aux thérapies non médicamenteuses (règles d’hygiène du sommeil, thérapies cognitivo-comportementales…) et de lutter contre le mésusage des médicaments.
La prise en charge de la personne âgée peut inclure le traitement de l’épisode dépressif caractérisé (EDC) puis sa consolidation. Cette dernière doit être de 12 mois minimum après rémission.
Parmi les effets secondaires fréquents liés à la prescription pour traiter l’EDC :
- chutes,
- nausées,
- étourdissements,
- céphalées
- et, moins communément, l’hyponatrémie et des changements dans l’intervalle QT.
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), voire les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline (ISRN), peuvent être à l’origine d’un syndrome sérotoninergique nécessitant un arrêt immédiat du traitement : rigidité musculaire, agitation, myoclonie, hyperréflexie, trouble du comportement, hyperthermie.
Les imipraminiques ou tricycliques ne seront prescrits qu’en cas d’échec aux autres traitements antidépresseurs, car ils ont des effets anticholinergiques (sécheresse buccale, rétention urinaire) et cardiologiques (troubles du rythme) qui justifient la réalisation d’un électrocardiogramme avant la mise en route du traitement. Ils sont susceptibles d’aggraver les fonctions cognitives chez le patient présentant un trouble démentiel.
L’association de deux antidépresseurs n’est pas recommandée. Celle entre ISRS et inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO) est par exemple une contre-indication absolue.
Le traitement par antidépresseurs doit être arrêté progressivement et de manière programmée en cas de rémission complète, c’est-à-dire après 12 mois au moins pour un 1er et 2e EDC, et après 24 mois au moins pour un 3e EDC.
À noter : les thérapies comportementales et cognitives en association au traitement, permettent de consolider l’effet thérapeutique et de prévenir les rechutes.
Les antipsychotiques (4) sont couramment utilisés chez les personnes âgées pour contrôler certains symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD), y compris les illusions, les hallucinations, l’agressivité et l’agitation, lorsque ces symptômes pourraient être dangereux pour le patient ou pour autrui (5).
Toutefois, chez de nombreux patients, le traitement par antipsychotiques amorcé pour les SCPD, est souvent maintenu de manière chronique en dépit de l’absence d’indications documentées pour le poursuivre. Dans la mesure où les caractéristiques comportementales de la démence évoluent avec le temps, à mesure que la maladie progresse, il est important de réévaluer la nécessité de continuer le traitement.
De par leurs effets anticholinergiques, ils sont responsables de sécheresse buccale, constipation, ralentissement de la vidange gastrique, troubles de la déglutition avec fausses routes, rétention aiguë d'urine et troubles de l’accommodation.
Les antipsychotiques sont donc associés à de nombreux effets secondaires, dont les plus sérieux sont le risque de décès et le risque accru d’événements cérébrovasculaires indésirables. On trouve également des symptômes extrapyramidaux, une altération de la démarche et des chutes, de la somnolence, de l’œdème, des infections des voies urinaires. Les antipsychotiques atypiques peuvent causer un gain pondéral et précipiter ou aggraver le diabète (6). Bien que le risque absolu de certains de ces incidents soit faible, les personnes plus âgées sont souvent plus à risque de les subir.
Lorsque les antipsychotiques sont prescrits de manière inappropriée ou utilisés pendant des périodes prolongées, ils peuvent contribuer à la polymédication et à ses risques afférents de non-conformité, de prescriptions en cascade, de réactions indésirables, d’erreurs de médication, d’interactions médicamenteuses, de visites aux urgences et d’hospitalisations (7).
L’algorithme pour la déprescription d’antipsychotiques (deprescribing.org) qui figure en lien dans la boîte à outils ci-dessous a été établi par des experts canadiens et peut vous aider quant au moment et à la manière d’arrêter ces médicaments en toute sécurité.
Pour aller plus loin, lire Personnes âgées : tableau synthétique de l’approche thérapeutique en santé mentale.
Multidimensionnelle, la prise en charge de la maladie d’Alzheimer combine hygiène de vie, activités, traitement médicamenteux et dispositions médico-sociales, de l’accueil ponctuel de jour à l’hébergement permanent en institution.
Dans tous les cas, le mot clé de la prise en charge est « personnalisation » : au-delà du fait que chaque patient est unique par nature, tous ne présentent pas les mêmes symptômes, ni la même évolution de leur maladie.
Il est essentiel que le patient continue ses activités habituelles – cognitives et/ou physiques – et maintienne autant que possible une vie sociale. L’équilibre de l’alimentation est tout aussi important. Certains centres prônent une démarche plus active consistant à « stimuler » le patient en lui proposant des activités. L’attention à la personnalité et au vécu du malade est essentielle.
La prise en charge de la maladie d’Alzheimer repose donc sur des mesures non médicamenteuses pour :
- préserver le plus longtemps possible l’autonomie et la qualité de vie du malade ;
- soutenir les proches qui ont le rôle d’aidant ;
- prendre en charge les troubles du comportement (agressivité, délire, hallucinations...).
Les traitements médicamenteux, d’efficacité relative, ne sont plus inclus dans les recommandations publiées par la Haute autorité de santé (HAS) en mai 2018. Leur éventuelle prescription doit être décidée par un médecin spécialiste et réévaluée régulièrement.
Ils ne sont plus pris en charge par l’Assurance Maladie depuis le 1er août 2018.
(1) Decreasing trends in potentially inappropriate medications in older people: a nationwide repeated cross-sectional study, S Drusch, T Le Tri, J Ankri, M Zureik, M Herr ; BMC Geriatrics 2021;21:621.
(2) Certains antidépresseurs sont indiqués dans les troubles anxieux généralisés, les troubles obsessionnels du comportement, les troubles paniques avec ou sans phobies sociales, évoluant depuis plus de 6 mois (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine).
(3) Benzodiazépines hypnotiques au long cours : un intérêt thérapeutique limité - Communiqué de presse HAS
(4) Déprescription des antipsychotiques pour les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence et l’insomnie : guide de pratique clinique fondé sur des données probantes », L M Bjerre et coll, Can Fam Physician 2018;64(1): e1–e12
(5) Efficacy and adverse effects of atypical antipsychotics for dementia: meta-analysis of randomized, placebo-controlled trials, LS Schneider, K Dagerman, PS Insel, Am J Geriatr Psychiatry 2006;14(3):191-210
(6) New-onset treatment-dependent diabetes mellitus and hyperlipidemia associated with atypical antipsychotic use in older adults without schizophrenia or bipolar disorder, SC Erickson, L Le, A Zakharyan, KM Stockl, AS Harada, S Borson, SD Ramsey, B Curtis B, J Am Geriatr Soc. 2012;60(3):474-9.
(7) Polypharmacy, adverse drug reactions, and geriatric syndromes, BM Shah ER Hajjar, Clin Geriatr Med. 2012;28(2):173-86.