Sobriété médicamenteuse : moins prescrire pour mieux soigner

Publié dans : Médicaments

En France, près de 8 consultations médicales sur 10 se terminent par une prescription de médicaments. C’est plus que dans la majorité des pays européens. Malgré une prise de conscience des professionnels de santé, l’usage raisonné des médicaments reste un enjeu de santé publique majeur. 

Transcription en cours d'élaboration. 

Le rôle des médecins est fondamental, qu’il s’agisse de :

  • limiter la prescription initiale de certaines classes thérapeutiques ; 
  • favoriser l’adhésion des patients aux prescriptions non médicamenteuses ; 
  • réévaluer régulièrement les ordonnances dans une logique de déprescription.

La lutte contre la surconsommation de médicaments répond à des enjeux multiples, liés à la santé des individus, à l’accès aux soins ou aux questions environnementales : 

  • un défi pour la santé publique. En France, la surconsommation de médicaments serait à l’origine de plus de 200 000 hospitalisations et de 10 000 décès prématurés par an. L’antibiorésistance serait, elle, responsable de 125 000 infections et 5 500 décès chaque année (1) (2).
  • un enjeu d’accès aux soins et ce, alors que le nombre de signalements de ruptures de stock a atteint des niveaux inédits en 2023 ;
  • un enjeu environnemental, le secteur de la santé étant à l’origine de plus de 8 % des émissions de gaz à effet de serre nationales (près de 49 millions de tonnes équivalent CO2). Les secteurs des médicaments et des dispositifs médicaux concentrent à eux deux 50 % des émissions (3).

(1) Source : Drees - « Un médecin généraliste sur deux est confronté à des problèmes d’antibiorésistance » - Études et résultats n° 1217 – Janvier 2022.
(2) Source : site sante.gouv.fr - « L’antibiorésistance : pourquoi est-ce si grave ? ».
(3) Rapport The Shift Project – 2023.

Si les Français sont encore nombreux à être en attente d’une prescription de médicament à l’issue d’une consultation, une évolution semble se profiler. Les Français se disent de plus en plus ouverts à l'idée de consommer moins de médicaments, à condition d'être bien informés et accompagnés (1). 

Selon une étude récente, 87 % d’entre eux préfèrent que leur médecin leur donne des conseils pour soulager leurs symptômes plutôt que de leur prescrire des médicaments. Ce résultat illustre une réelle volonté de comprendre les mécanismes de guérison et de privilégier des solutions plus naturelles lorsqu’elles sont appropriées.

Toutefois, cette prédisposition des patients à la sobriété médicamenteuse se heurte à des habitudes encore bien ancrées et à une forme de déni de leur propre consommation. Dans les faits, ils sont encore 50 % à attendre en priorité une prescription de médicaments à l’issue d’une consultation. Et seulement 22 % des Français ont l’impression de consommer trop de médicaments, alors qu’ils sont 4 sur 10 à en prendre quotidiennement.

Le rôle pédagogique crucial du médecin

Le médecin joue donc un rôle crucial de conseil et de pédagogie auprès du patient, notamment pour les pathologies qui ne nécessitent pas forcément une prescription médicamenteuse et pour lesquelles des alternatives thérapeutiques peuvent être proposées.

Voici quelques exemples concrets où des solutions non médicamenteuses se révèlent efficaces :

  • les maladies respiratoires comme le rhume : des remèdes simples comme une bonne hydratation et/ou des lavages de nez réguliers suffisent pour soulager les symptômes. Pour rappel, un rhume dure en moyenne 7 à 10 jours, que l’on prenne des médicaments ou non ;
  • les lombalgies : pour les maux de dos, notamment les lombalgies, des solutions comme la kinésithérapie, le yoga, les étirements réguliers ou la marche active sont souvent plus bénéfiques que la prise d'anti-inflammatoires. Le mouvement et l’activité physique jouent un rôle clé dans la guérison ;
  • les troubles du sommeil : 15 à 20 % de la population française souffre d’insomnies et environ 2,5 millions d’adultes prennent des somnifères (2). Pourtant, ces médicaments peuvent entraîner une dépendance, affecter les capacités cognitives à long terme et entraîner un risque accru de chutes, en particulier chez les personnes âgées. L’activité physique, une bonne hygiène du sommeil (horaires réguliers de coucher et de lever, limitation des écrans) ainsi que, si besoin, l’accompagnement psychologique sont des solutions efficaces et durables.  

Lire aussi les deux articles dans l’espace assuré d’ameli.fr « L'activité physique et sportive : un atout essentiel pour le bien-être » et « Insomnies : que faire au quotidien pour mieux dormir ? » ;

  • la dépression : en France, la dépression concerne environ 3 millions de personnes. La psychothérapie de soutien est un traitement de première intention dans les épisodes dépressifs légers, en amont d’une prise en charge médicamenteuse. De même, l’activité physique peut apporter aussi une réponse reconnue, notamment pour réduire le risque de rechute. 

Lire la rubrique consacrée à la santé mentale en soins primaires sur ameli.fr. 

(1) BVA - Étude quantitative auprès d’un échantillon représentatif de la population française - Août 2024.
(2) Source : inserm.fr.

Le rôle fondamental des médecins en matière de limitation des prescriptions initiales pour certaines classes médicamenteuses, d’adhésion des patients aux prescriptions non médicamenteuses ou de réévaluation régulière des ordonnances s’inscrit dans la dynamique portée par la nouvelle convention médicale en matière de pertinence et de qualité des prescriptions. 

4 champs et classes thérapeutiques font l’objet d’une vigilance particulière, et donnent lieu à des objectifs conventionnels collectifs :

  • les inhibiteurs de la pompe à protons, dont les prescriptions chez les enfants de moins de 6 semaines ont augmenté de 382 % entre 2010-2011 et 2018-2019 (1). Objectif : diminuer de 20 % les prescriptions chez l'adulte et, chez l'enfant, les limiter aux seules indications recommandées par la Haute Autorité de santé (HAS) ;
  • les antibiotiques, dont les prescriptions ont augmenté de 16,6 % en 2022 (2). Objectif : diminuer la consommation d’antibiotiques de 10 % dès 2025 et de 25 % à l’horizon 2027 ;
  • les analgésiques et principalement les opioïdes, qui concernent 10 millions de patients en France (3). Objectif : limiter le recours aux analgésiques de niveaux 2 à risque de dépendance, en les classant en assimilés stupéfiants et diminuer leur volume prescrit et délivré de 10 % en 2025 ;
  • la polymédication avec un focus sur les personnes âgées et notamment sur leur recours aux benzodiazépines au long court qui sont prescrites à 82 % par les médecins généralistes (4). 
  • Objectif : diminuer respectivement de 4 et 2 molécules le traitement chronique des patients hyperpolymédiqués (plus de 10 molécules délivrées au moins 3 fois dans l'année) et des patients polymédiqués de 65 ans et plus (plus de 5 molécules délivrées au moins 3 fois dans l'année).

Consulter la rubrique, conçue pour mettre à la disposition des médecins des ressources utiles et pratiques, intitulée « Prévention du risque de iatrogénie médicamenteuse chez les 65 ans et plus : boîte à outils ».

(1) Source : Refus gastro-oesophagien chez l'enfant de moins d'un an – HAS – 29 février 2024.
(2) Source : sante.gouv.fr - « Antibiorésistance : une nouvelle stratégie interministérielle ambitieuse à 10 ans annoncée à l’occasion de la semaine mondiale de la sensibilité à la résistance aux antimicrobiens du 18 au 24 novembre ». 
(3) Source : rapport de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) – États des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes et leurs usages problématiques - février 2019.
(4) Source : ANSM – État des lieux de la consommation des benzodiazépines en France – avril 2017.

En France, la surconsommation de médicaments entraîne un risque iatrogénique, qui serait à l’origine de plus de 200 000 hospitalisations et de 10 000 décès prématurés par an. Un risque qui touche particulièrement les patients de plus de 65 ans, qui déclarent prendre en moyenne 3 médicaments quotidiennement. Il est cependant important de noter que plus de 4 patients sur 10 souhaitent réduire leur nombre de médicaments, avec l’aide de leur médecin traitant (1).

La déprescription totale d’un médicament peut être difficile chez certains patients, très attachés à leurs médicaments prescrits depuis plusieurs années. Il convient alors de commencer par réduire la posologie ou le remplacer par un autre médicament plus approprié, plus efficace et/ou ayant moins d’effets indésirables

Une stratégie d’arrêt de traitement doit être proposée et expliquée au patient afin d’obtenir son entière coopération. Cette stratégie doit être envisagée dès la mise sous traitement, afin que le patient soit informé au plus tôt.

La surveillance attentive des malades après les déprescriptions est fondamentale car elle permet de revoir le malade, de répondre à ses questions et de veiller à la bonne observance thérapeutique.

L’identification des patients à risque iatrogénique et le suivi des déprescriptions, nécessitent une coordination et une transmission des informations entre les différents professionnels de santé impliqués dans le parcours de soins du patient. La messagerie de « Mon espace santé » permet un échange sécurisé des informations.

(1) Source : https://www.leem.org/medicamieux.

« Le bon traitement, c’est pas forcément un médicament. », c’est ainsi que l’Assurance Maladie entend frapper les esprits avec une campagne de sensibilisation vers le grand public diffusée à partir du 10 novembre 2024 en TV, radio et affichage digital. 

Afin d’accompagner les professionnels de santé dans cette démarche de sobriété médicamenteuse, plusieurs dispositifs et ressources sont à votre disposition : 

  • en relais de la campagne :
    • une affiche à télécharger et à placer dans votre cabinet médical ;
    • l’ordonnance de non prescription d’antibiotique ;
    • une foire aux questions (FAQ) (PDF) pour vous aider à aborder le sujet avec vos patients ;
  • en direction des patients polymédiqués à risque iatrogène, une boîte à outils avec des outils pratiques pour vous et vos patients à chaque étape : prescription, traitements, accompagnement ;
  • en matière de prescription d’alternatives thérapeutiques, retrouvez plus d’informations sur les dispositifs suivants : 
    • Mon bilan prévention, un temps d’échange dédié à la prévention aux âges-clé de la vie ; 
    • Mon soutien psy, qui propose jusqu’à 12 séances remboursées par an, pour des patients atteints de troubles légers à modérés ;
    • la prescription d’activité physique adaptée ;
  • en logique de proximité, à travers des échanges confraternels ou des visites des délégués de l’Assurance Maladie portant sur la pratique individuelle liée aux classes thérapeutiques inscrites dans la convention.
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