Prescription du tramadol : le réflexe anti-addiction
25 mars 2025
Qualifié d’opioïde « faible », le tramadol engendre pourtant des addictions sévères. Ce risque doit être pris en compte dès la première prescription. La réévaluation régulière du traitement est essentielle pour éviter ce phénomène.
Depuis le 1er mars 2025, les médicaments contenant du tramadol ou de la codéine doivent être prescrits sur une ordonnance sécurisée. Le dosage, la posologie et la durée du traitement doivent être rédigés en toutes lettres.
La dispensation ne peut se faire que sur présentation d’une ordonnance sécurisée.
Les prescriptions établies avant le 1er mars 2025 demeurent valables jusqu’à leur terme.
Par dérogation, une prescription établie entre le 1er et le 31 mars 2025 qui ne serait pas conforme à ces règles demeure valable jusqu’à la fin de la durée du traitement prescrite. Par exemple, les prescriptions datées du 28 février et qui ne sont pas réalisées sur un support sécurisé sont valables jusqu’au 1er juin. (Décision du 26/02/2025 modifiant la décision du 24/09/2024 - site : ansm.sante.fr).
La durée de validité des ordonnances de médicaments contenant de la codéine est réduite à 3 mois, comme pour le tramadol. Une nouvelle ordonnance est nécessaire pour prolonger le traitement.
Voir aussi la page « Tramadol et codéine devront être prescrits sur une ordonnance sécurisée » sur le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Les propriétés sérotoninergiques de cet opioïde explique son potentiel addictif important et la difficulté du sevrage.
Les usages détournés sont nombreux :
- la recherche d’effets récréatifs dans le cadre d’une toxicomanie ;
- la recherche d’effets hypnotiques ;
- l’amélioration des performances professionnelles ;
- une conduite dopante en milieu sportif ;
- une automédication à visée antidépressive ou anxiolytique.
Les signes de sevrage sont fréquents à l’arrêt du traitement, y compris à des doses thérapeutiques, après de très courtes durées de traitement : plus de 50 % des syndromes (ou signes) de sevrage concernent des prises à doses thérapeutiques, parfois pendant une période très courte (inférieure à une semaine).
L’analyse des signes de sevrage décrits dans les déclarations spontanées au réseau d’addictovigilance fait apparaître que les signes psychologiques et psychiques (principalement troubles et symptômes de l’anxiété) sont plus fréquemment retrouvés que les signes physiques (essentiellement douleurs et sueurs). Les signes de sevrage psychologiques et psychiques peuvent être à l’origine d’une prise persistante du tramadol.
Une étude réalisée par l'Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA) et la Fondation Analgesia en 2021 auprès d'un échantillon de 1 001 français consommateurs de tramadol et/ou codéine a montré que de nombreux consommateurs de tramadol en prenaient dans des indications inappropriées et déclaraient rencontrer des difficultés à arrêter ou à diminuer leur traitement. Ils méconnaissaient également les risques consécutifs en cas de surdosage.
Selon cette étude :
- 44 % en prenaient pour des douleurs au dos et 43 % pour des douleurs articulaires alors que dans ces indications le tramadol est moins efficace que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (recommandation de la Haute Autorité de santé) et n'intervient qu'en cas d'échec de la rééducation et/ou des antalgiques de 1re intention ;
- 24 % en prenaient pour des céphalées (dont des migraines) alors que le tramadol est déconseillé dans cette indication avec un risque de céphalées chroniques quotidiennes en cas de prise régulière ;
- 24 % reconnaissent en avoir pris pour une finalité autre que l'antalgie (anxiolytique, hypnotique, stimulant, etc.) ;
- 47 % déclarent avoir des difficultés à arrêter ou diminuer leur traitement ;
- 9 usagers sur 10 ignorent le risque d'arrêt respiratoire en cas de surdosage de ces médicaments.
En vidéo : voir le témoignage d’une patiente de 32 ans.
Une consommation d’antalgiques massive comparativement aux autres pays
Les analyses menées par l’Assurance Maladie montrent que la France est le 2e pays consommateur d’analgésiques tous paliers derrière l’Espagne en 2022 (panel de comparaison : Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni). (Source : Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : les propositions de l'Assurance Maladie pour 2024).
La consommation française s’établit, tous produits confondus, à 120 unités communes de dispensation (UCD) par habitants (126 pour l’Espagne, et 36 pour l’Italie).
Les antalgiques opioïdes, tels que le tramadol, la codéine et la morphine, ont un intérêt majeur et incontestable dans la prise en charge de la douleur. Cependant, leur consommation peut s’accompagner de complications graves.
Cette problématique touche principalement des patients qui consomment un antalgique opioïde pour soulager une douleur et développent une dépendance primaire à leur traitement ou qui parfois le détournent de son indication initiale.
Ainsi, en France, le nombre d’hospitalisations liées à la consommation d’antalgiques opioïdes obtenus sur prescription médicale a augmenté de 167 % entre 2000 et 2017, passant de 15 à 40 hospitalisations pour un million d’habitants. Le nombre de décès liés à la consommation d’opioïdes a augmenté de 146 % entre 2000 et 2015, avec au moins 4 décès par semaine. (Source : Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : les propositions de l'Assurance Maladie pour 2024).
Définition de l’hyperalgésie induites par les opioïdes
L’hyperalgésie induite par les opioïdes est une augmentation paradoxale de la sensibilité à la douleur due à une exposition prolongée à ces molécules. L’augmentation des doses ne fait que renforcer ce cercle vicieux.
Laurence Lalanne, professeure de psychiatrie et d’addictologie, cheffe du service addictologie aux hôpitaux universitaires de Strasbourg, explique le phénomène d’hyperalgésie induite par les opioïdes et les risques de dépendance liés à la prise de tramadol.
Voir les vidéos de Laurence Lalanne :
- le phénomène d’hyperalgésie induite par les opioïdes
- le cas d’un patient piégé par les effets psychoactifs du tramadol
Consulter le flyer « Prescription du tramadol : le réflexe addiction » (PDF).
- Bon usage des médicaments opioïdes - Les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) 2021
- Fiche patient HAS : « Douleurs chroniques : prévenir le risque de surdose d’opioïdes »
- Comment repérer le mauvais usage d’un opioïde – Site OFMA
- Enquête usage tramadol et codéine – Site OFMA
- Douleurs neuropathiques – Site recomedicales.fr
- Bulletin de l’association des centres d’addictovigilance, avril 2020
- Décès toxiques par antalgiques, résultats 2020 – Site addictovigilance.fr
- Rapport de l’ANSM - État des lieux de la consommation des antalgiques février 2019
- Formations universitaires en addictologie – Site grandestaddictions.org