Place des benzodiazépines dans les troubles du sommeil de l’adulte

Infographie sur les benzodiazépines dans le cadre du sommeil (description ci-aprè)

L’essentiel

Place des benzodiazépines dans les troubles du sommeil de l’adulte : des traitements courts et de 2nde intention dont l’arrêt est à anticiper dès le début

Comprendre

  • Évaluer la situation du patient : profil d’insomnie, état physiologique, mesures non médicamenteuses précédentes
  • Écarter le risque de mésusage : abus, pharmacodépendance, usage détourné

Prescrire

  • En seconde intention après échec des mesures non médicamenteuses
  • Limiter la prescription à 3 semaines maximum (pour la plupart des situations, sans dépasser 4 semaines) y compris la période de réduction de la posologie
  • Privilégier les molécules à 1/2 vie courte chez le sujet âgé

Optimiser

  • Privilégier les mesures d’accompagnement non médicamenteuses (règles d’hygiène du sommeil, thérapie cognitive et comportementale)
  • Réévaluer l’opportunité à chaque renouvellement
  • Arrêt toujours progressif

Accompagner

  • Emporter l’adhésion du patient
  • Évoquer l’arrêt dès l‘initiation de traitement
  • Sensibiliser le patient aux effets indésirables

Un peu plus de deux tiers des patients adultes sous benzodiazépines hypnotiques et apparentés ont une durée de prescription supérieure à la durée maximale autorisée de 4 semaines. Pourtant les effets secondaires et les conséquences d’une consommation prolongée et/ou excessive peuvent avoir des effets majeurs sur l’état de santé des personnes, surtout chez les sujets âgés. 

Les dépenses annuelles remboursées pour les benzodiazépines hypnotiques s’élèvent à 20 millions d’euros pour un nombre de consommants adultes de 2,7 millions. Les trois quarts de ces patients sont âgés de 50 ans et plus et plus de la moitié des dépenses concernent des patients de 65 ans et plus (1). 

Face à ce constat, il est donc essentiel :

  • de prescrire les benzodiazépines seulement en seconde intention, après échec ou insuffisance de mesures non médicamenteuses ;
  • de réduire les prescriptions au long cours des benzodiazépines ;
  • d’anticiper leur arrêt dès la mise sous traitement du patient (2)

(1) Données issues du Système national d'information inter-régimes de l'Assurance Maladie (Sniiram) entre juillet 2023 et juin 2024.

(2) Bon usage du médicament – « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’insomnie » - Haute Autorité de santé (HAS), 11 juillet 2024.

 

Il convient d’installer des règles d’hygiène du sommeil avant tout : il faut inciter et aider le patient à corriger ses mauvaises habitudes de sommeil et à adopter un comportement qui favorise l’endormissement et la continuité du sommeil.

Il peut être proposé des thérapies cognitivo-comportementales (TCC). 

Des indications circonscrites…

Les indications sont les suivantes : traitement à court terme chez l’adulte des troubles sévères du sommeil (au moins 4 nuits par semaine avec retentissement diurne).

Les benzodiazépines hypnotiques ne sont pas indiquées dans le traitement des insomnies chroniques (qui durent plus de 3 mois).

…avec des effets indésirables parfois graves

  • confusion, troubles de la mémoire, baisse de vigilance, voire somnolence, et risque accru de chutes, en particulier chez le sujet âgé
  • dépendance physique et psychique même à doses thérapeutiques avec syndrome de sevrage ou de rebond à l’arrêt du traitement

Contre-indications générales des spécialités hypnotiques 

  • hypersensibilité à la substance active ou à l'un de ses excipients ;
  • insuffisance respiratoire sévère ;
  • syndrome d’apnée du sommeil ;
  • insuffisance hépatique sévère, aiguë ou chronique (risque de survenue d’une encéphalopathie) ;
  • myasthénie.

Ce qu’il faut vérifier avant de prescrire 

Il faut évaluer la situation du patient : son profil d’insomnie, son état physiologique, ses comorbidités éventuelles, les risques d’interactions médicamenteuses et les contre-indications, etc.

Il convient d’écarter le risque de mésusage en repérant les patients à risque, à l’aide d’outils validés, notamment l’échelle ECAB

De manière générale, il n’est pas recommandé d’utiliser des benzodiazépines chez les patients présentant un trouble cognitif psychique ou neurologique.

Le choix de la molécule 

Le choix de la molécule se fait en fonction : 

  • du profil du patient (problème à l’endormissement, réveils nocturnes ou réveil matinal prématuré) ;
  • de l’état physiologique du patient (âge, état rénal et hépatique, antécédents psychiques) ;
  • de la demi-vie, du délai et de la durée d’action du produit ;
  • du risque d’interactions médicamenteuses notamment avec d’autres psychotropes.
Durée d’utilisation la plus courte possible 
(recommandée de quelques jours à 3 semaines pour la majorité des situations sans excéder 4 semaines selon la règlementation)
 MoléculeNom commercialDosages et formes galéniques ConditionnementsMise à disposition d'un petit conditionnementDemi-vie d’élimination plasmatique (mesurée chez l’adulte) Tmax (absorption rapide ou non) – concentration maximale atteinte après l’administrationPrescription sur ordonnance sécuriséeRéservé à l'adulte
hypnotiquesZolpidemStilnox® et génériques10 mg cp sécablebt 7 et 14 +  cdt en bt 5 pour un générique

x

2,4 h (0,7 - 3,5 h)30 min à 3 hxx
ZopicloneImovane® et génériques3,75 mg cp et 7,5 mg cp sécablebt 5 et 14

x

5 h 1 h 30 à 2 h  x
LoprazolamHavlane®1 mg cp sécablebt 20  8 h1 h x
Lormétazépamgénériques
(Noctamide® n’est
plus commercialisé)
1 mg et 2 mg cp sécablebt 14 10 h1 h 30  
EstazolamNuctalon®2 mg cpbt 20 17 h1 h à 1 h 30  

Télécharger en version imprimable ce tableau (PDF). Le tableau en PDF comporte à la fois les benzodiazépines hypnotiques mais aussi les benzodiazépines anxiolytiques.

Une demi-vie correspond au temps qu’il faut à l’organisme pour que la quantité de molécule, dans la concentration sanguine, soit diminuée de moitié; la quantité de médicament est quasiment totalement éliminée de l’organisme au bout de 5 ½ vies, bien sûr si aucune dose n’a été prise après la dose de départ. On parle d’un médicament (ou d’une molécule) à 1/2 vie longue, lorsque l’organisme met plus de 24 heures pour éliminer ses substances actives de la concentration sanguine.

Hypnotiques

Lormétazépam : ne pas utiliser chez les enfants et les adolescents <18 ans, sans une évaluation minutieuse de la nécessité du traitement.
Estazolam : non recommandé chez l’enfant, en l’absence d’études. ; comprimé non adapté à l’enfant de moins de 6 ans (risque de fausse route).

Voici les règles à respecter lors de la prescription :

  • dose minimum utile, adaptée à la situation clinique de chaque patient (chez le sujet âgé, diminuer au minimum de moitié les doses administrées) ;
  • posologie maximale à ne pas dépasser ;
  • durée d’utilisation la plus courte possible : de quelques jours à 3 semaines, sans excéder 4 semaines selon la règlementation, y compris la période de réduction de la posologie, en raison d’une efficacité limitée dans le temps et de mécanismes de dépendance ;
  • ne pas associer plusieurs benzodiazépines anxiolytiques ou hypnotiques qui n’apportent pas d’effet supplémentaire mais potentialisent les effets indésirables parfois graves ;
  • ne pas prescrire de benzodiazépine à demi-vie longue chez le sujet âgé (surrisque iatrogénique) ;
  • pas de renouvellement systématique : nécessité d’une réévaluation du besoin avant chaque prescription ;
  • privilégier les conditionnements avec le moins d’unités de prise.

Dès la première prescription, il faut expliquer au patient la durée de son traitement, les précautions à prendre, les risques associés à leur usage (somnolence, dépendance, risque accru de chutes, interactions avec l’alcool, risque avec la conduite automobile…), et envisager avec lui les modalités d’arrêt de son traitement.

Bien que l’objectif soit l’arrêt complet, l’obtention d’une diminution de la posologie doit déjà être considérée comme un résultat favorable.

Ensuite il faut prévoir de réévaluer la situation à l’issue du traitement, et de dépister une éventuelle chronicisation du trouble. Si la stratégie d’arrêt échoue, il est recommandé d’encourager le patient à recommencer ultérieurement après évaluation des raisons de l’échec.

Pour vous aider, vous pouvez consulter l’arbre décisionnel extrait du site de la Haute Autorité de santé (HAS) et la proposition d'une démarche pour l'arrêt d'une benzodiazépine lors de la prise en charge par le médecin généraliste (PDF).

La déprescription est un processus permettant d’identifier et d’arrêter des médicaments dans des situations où le risque existant ou potentiel de dommages est plus important que les bénéfices existants ou potentiels, pour un patient donné, par rapport à ses objectifs de soins, son niveau fonctionnel actuel, son espérance de vie, ses valeurs et ses préférences.

La fiche « 10 situations où songer à une déprescription » de l’Omédit Grand-Est a été conçue à cet effet.

Un modèle d’ordonnance de déprescription a été élaboré pour accompagner le processus de mise œuvre d’une déprescription. Un modèle spécifique concerne les benzodiazépines. Il est rédigé spécifiquement pour un patient en fin de consultation, et matérialise l’échange et le choix d’opter pour une déprescription. Ce support ne s’utilise pas pour la dispensation des traitements. On y trouve le nom du patient, des explications, la stratégie adoptée et des conseils.

À cette ordonnance est joint un support personnalisé à remettre également au patient qui vient compléter l’usage de l’ordonnance de déprescription. Au verso, on retrouve quelques éléments informatifs sur la démarche de déprescription ainsi qu’un endroit où indiquer les prochaines consultations de suivi car ce suivi est un point majeur de la déprescription. 

Outils, questionnaire, flyers, courrier… 

Des outils d’aide à la déprescription de l’Observatoire des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (Omedit) du Grand-Est : 

 

Pour en savoir plus

(1) Indique par intensité modérée à sévère les signes rapportés lors de l’arrêt des benzodiazépines.

(2) Ce calendrier d’arrêt est destiné à mieux faire comprendre au patient les modalités d’arrêt des benzodiazépines, noter les données indispensables au suivi du protocole (notamment les symptômes inhabituels), mieux informer le médecin sur la démarche d’arrêt des benzodiazépines du patient.

(3) Consignes au patient pour remplir l’agenda : chaque matin, en fonction des souvenirs de la nuit (inutile de regarder sa montre pendant la nuit, ce qui perturberait davantage le sommeil ; l’agenda n’est pas un outil de précision) ; chaque soir, pour relater l’état du patient pendant la journée. - Tenir l’agenda sur l’ensemble de la période d’observation, de façon à obtenir un aperçu des variations de sommeil au fil du temps.

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