Prévention de la iatrogénie médicamenteuse

La iatrogénie a des conséquences qui peuvent être graves et qui sont parfois évitables, il faut donc s'attacher à optimiser les prescriptions chez la personne âgée.

La iatrogénie médicamenteuse

La iatrogénie médicamenteuse a un coût humain et économique très élevé. La population des personnes âgées de 65 ans et plus, hospitalisée pour iatrogénie, représentait plus de 115 000 patients en 2011. Le nombre de décès à l'hôpital était de 7 457 par an.

La iatrogénie a des conséquences qui peuvent être graves et qui sont parfois évitables, il faut donc s'attacher à optimiser les prescriptions chez la personne âgée.

Depuis 2006, dans le cadre de la convention médicale, vous vous êtes engagé à prévenir le risque iatrogénique et vous avez reçu votre profil de prescription ainsi que le mémo Choix d'une benzodiazépine (PDF) (réactualisé en 2014) et les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) « Modalités d'arrêt des BZD et médicaments apparentés chez les personnes âgées » (novembre 2007).

Dans le cadre de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) depuis 2012, vos objectifs de santé publique sont :

  • de favoriser la durée de traitement par BZD la plus brève possible (tous patients) ;
  • d'utiliser les BZD à demi-vie courte, notamment chez le patient âgé.

En tant que médecin traitant, disposant d'une vision globale de l'état de santé des patients âgés, vous êtes le pivot de cette prévention que vous pouvez réaliser conformément aux 2 étapes suivantes :

Les polypathologies, habituelles après 75 ans, s'accompagnent très souvent d'une polymédication qui est le facteur de risque majeur de la iatrogénie. Il y a d'autres situations à risque (démence, chute, déshydratation, pathologies rénales...) Il est donc nécessaire d'adopter Le réflexe iatrogénique (Mémo PDF).

Afin d'optimiser vos prescriptions, il est indispensable de :

  • faire une analyse diagnostique précise sur la base d'un examen clinique, voire biologique ;
  • hiérarchiser les pathologies en établissant des priorités thérapeutiques en concertation avec le patient ;
  • évaluer le rapport bénéfice / risque de chaque médicament ;
  • vous informer auprès du patient de l'existence d'autres ordonnances (ou de prises de médicaments en automédication) afin d'éviter les interactions médicamenteuses.

Ensuite, un suivi régulier du patient permet d'évaluer la nécessité de poursuivre le traitement.

Interrogez votre patient à chaque consultation afin de connaître ses éventuelles difficultés dans la prise de ses médicaments (voir notamment si la galénique des produits lui convient et vérifier sa motivation à se soigner : degré d'observance, respect de la durée du traitement...)

Vous trouverez des outils de la HAS disponibles en téléchargement, vous permettant de diagnostiquer et traiter chez un patient âgé, en prenant en compte le risque iatrogénique :

Vous pouvez également être amené à prendre en charge des troubles du comportement perturbateur chez les personnes âgées atteintes de maladie d'Alzheimer et maladies apparentées, en tenant compte du risque iatrogénique (recommandations de bonne pratique de la HAS, mai 2009).

Qu'avez-vous à disposition pour vos patients ?

Remettez-leur le dépliant J'apprends à bien dormir : quelques conseils simples et naturels pour un sommeil de qualité (PDF) rappelant les règles simples d'hygiène de vie destinées à favoriser leur sommeil.

Pour plus d'informations et de conseils, vous pouvez aussi orienter vos patients sur le site ameli.fr, afin qu’ils consultent l’article Insomnie chez l'adulte (espace assurés).

Bon usage du médicament : les propositions de l’Assurance Maladie

Face au mésusage et au détournement de certains médicaments, l’Assurance Maladie présente plusieurs propositions pour lutter contre ces situations.

Retrouvez ci-après la présentation en vidéo par Dominique Martin, médecin conseil national de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie, des propositions de l’Assurance Maladie sur les enjeux du bon usage du médicament issues de son rapport Charges et Produits pour 2024 (espace institutionnel).

Questions au docteur Dominique Martin, médecin conseil de la Caisse nationale de l'Assurance Maladie

Le médicament représente des dépenses importantes pour l'Assurance Maladie et donc la collectivité. Quels sont les enjeux majeurs qu'il représente ?

Les enjeux liés aux médicaments sont d’abord des enjeux de santé publique. Ce qui est important, évidemment, c’est que les médicaments soient utilisés à bon escient, de manière pertinente pour traiter les maladies. Trop souvent, dans notre pays, on utilise le médicament à mauvais escient, c’est ce que l’on appelle le mésusage, dans des mauvaises indications, pour des mauvaises personnes, dans des délais qui sont trop longs. Ceci entraîne évidemment des effets indésirables, qui sont délétères pour les personnes, qui entraînent des maladies, parfois des hospitalisations, voire des décès. Il y a donc un enjeu majeur de santé publique à la bonne utilisation du médicament.

Il y a également un enjeu économique. Parce que le médicament coûte cher, et on doit donc l’utiliser à bon escient, c’est une part importante des dépenses de l’Assurance Maladie. Et si l’on utilise trop de médicaments pour de mauvaises indications, on fait des dépenses qui sont inutiles.

Quels sont les médicaments qui font l'usage de mésusage ?

Je peux vous donner quatre exemples de mauvais usages du médicament, notamment chez des personnes fragiles.

C’est le cas du nourrisson. Dans les reflux gastro-œsophagiens, on utilise souvent des inhibiteurs
de la pompe à protons – on les appelle les IPP – alors que ces médicaments ne sont pas
indiqués chez l’enfant de moins d’un an, et qu’ils ont des effets secondaires importants.

Un autre exemple, ce sont les femmes enceintes. On sait qu’en France, les femmes  enceintes ont plus de médicaments que dans les pays d’Europe du Nord par exemple : deux à trois fois plus de médicaments
que dans les pays d’Europe du Nord. Outre le fait que c’est probablement inutile, c’est en plus dangereux
pour la femme enceinte et pour l’enfant. On le sait, on connaît les médicaments comme la dépakine ou d’autres médicaments qui ont donné des effets tératogènes très importants sur les enfants.

Enfin, les personnes âgées. Elles sont souvent polymédicamentées, on leur donne notamment des psychotropes,
des médicaments pour tranquilliser, ou pour mieux dormir. Alors que ces médicaments ne devraient être donnés que pour quelques semaines ils sont souvent maintenus pendant des mois, voire des années, et au bout du bout, on a plus d’effet positif du médicament. On ne fait pas mieux dormir la personne, elle n’est pas plus tranquille, plus détendue, par contre les effets secondaires, les effets délétères, eux persistent. Et on a, par exemple, chez les personnes âgées qui prennent ces médicaments-là, des risques de chutes qui sont considérablement aggravés.

En plus de mésusage, il y a aussi des phénomènes de détournement.

Il y a des médicaments qui sont détournés de leur indication classique pour une autre indication : c’est le cas notamment des antidiabétiques. Les nouvelles classes d’antidiabétiques ont un effet sur le poids, c’est connu mais ça n’est pas dans leur indication. Il y a donc des gens qui, simplement pour perdre un peu de poids, prennent ces antidiabétiques, qui sont des médicaments pas du tout anodins, qui sont par ailleurs très chers et qui ont une indication très précise qui est le diabète. Ils les prennent simplement pour perdre un peu de poids,a lors qu’en fait, ils devraient faire comme tout un chacun, de l’exercice et suivre un régime. Donc ce détournement est tout à fait délétère,
il est de plus en plus fréquent, et malheureusement, il s’appuie sur les réseaux sociaux, qui propagent ce type de
détournement de ce médicament.

Quelles sont vos propositions pour lutter contre ces situations ?

Forts de ces constats sur le mésusage et sur le détournement, l’Assurance Maladie, en lien avec l’Agence nationale de sécurité du médicament, va agir pour réduire, d’une part, le mauvais usage de certains médicaments et le détournement de certains médicaments dont les anti-diabétiques.

Pour dégager des manoeuvres de financement de l'accès aux médicaments innovants, notamment dans le domaine du diabète, on va favoriser la prescription des biosimilaires, qui sont aux médicaments biologiques ce que
les génériques sont aux médicaments chimiques, et qui coûtent de 15 à 30 % moins cher que les médicaments d’origine. On va donc favoriser l’utilisation de ces médicaments, ce qui nous permettra de dégager des marges de manœuvre pour le financement de l’innovation.

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