« Maladie professionnelle : le CMI constitue une dérogation légale au secret médical »

  • Aide à la pratique/Services

Luc Goupil, médecin-conseil, responsable de mission nationale à l’Assurance Maladie - Risques professionnels, revient sur l’intérêt de produire un certificat médical initial (CMI) pour un patient qui souffre d’une pathologie liée à son activité professionnelle. Il rappelle, par ailleurs, que le CMI constitue une dérogation légale au secret médical. Entretien.

Quelle procédure suivre dans le cadre d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle d’un patient ?

Luc Goupil. Le patient est lui-même pleinement acteur car il doit rédiger une déclaration de maladie professionnelle qu’il adresse à l’Assurance Maladie. Il incombe au médecin qui le suit de produire le certificat médical initial, qu’il adresse aussi à l’Assurance Maladie. Pour de nombreuses pathologies, le médecin prescrit des examens complémentaires afin de confirmer le diagnostic.
Dès que ces examens sont réalisés et s’ils sont prévus par les tableaux des maladies professionnelles, le patient doit également transmettre leur compte rendu à l’Assurance Maladie afin de constituer un dossier complet et précis.
Le médecin qui rédige un CMI doit détailler la nature des lésions ou de la pathologie et doit préciser, le cas échéant, la latéralité. Exemples : Il n’écrira pas « douleur de l’épaule » mais « tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche », ni « démangeaisons » mais « lésions eczématiformes des mains et du visage », ni « crise de larmes » mais « syndrome anxiodépressif réactionnel ».
Attention, le médecin rédacteur n’est pas tenu de préciser sur le numéro d’un tableau de maladies professionnelles.

Certains praticiens se montrent réticents à la rédaction d’un CMI : pourquoi ?

Luc Goupil. Les informations sur un patient sont certes assujetties au secret médical. Pour autant, il existe des dérogations au secret médical et précisément le CMI en fait partie. Ces exceptions sont prévues par la loi et le code de déontologie.
En d’autres termes, la rédaction et l’envoi du CMI par le médecin à l’Assurance Maladie ne constitue en rien une rupture du secret médical. Rappelons que l’objectif vise à faciliter l’accès du patient aux prestations sociales, en l’occurrence à la reconnaissance en maladie professionnelle.
Plus encore, le médecin a le devoir d'informer son patient sur la possibilité de faire une demande de reconnaissance en maladie professionnelle dès qu’il pense détecter une situation pathologique qui pourrait en relever. C’est au patient de prendre la décision d’adresser une demande à l’Assurance Maladie en connaissance de cause.
Par exemple, un patient échange avec son médecin de sa décision de déclarer en maladie professionnelle le syndrome du canal carpien dont il souffre, le médecin l’accompagne alors dans les démarches à réaliser. Autre exemple : un boucher salarié souffre de l’épaule. Lors d’une consultation, son médecin l’informe qu’il pourrait faire, s’il le souhaite, une demande de reconnaissance en maladie professionnelle.

Le conseil et l’accompagnement du patient font pleinement partie des missions du médecin. Du reste, la vraie problématique que nous constatons est la sous-déclaration des maladies professionnelles. Cela s’explique, en partie, par un manque d’information du côté du patient. Le médecin se doit d’être proactif quand il est face à un patient qui souffre d’une pathologie potentiellement liée à son travail. J’ajoute que tout médecin peut rédiger un CMI : le médecin traitant, le médecin du travail, le spécialiste hospitalier, etc.

En pratique, quels conseils donneriez-vous aux médecins pour faciliter la procédure ?

La rédaction d’un CMI est simple et il existe plusieurs façons de le produire. Le médecin peut choisir d’imprimer le Cerfa ad hoc et l’envoyer par voie postale à l’Assurance Maladie ; il peut aussi le télétransmettre via amelipro (e-CMI), c’est le moyen que je conseille car il est simple et rapide. Le médecin peut aussi rédiger un CMI sur tout autre support tel qu’un ordonnancier libre. Quel que soit le choix du praticien, il doit décrire de façon détaillée la lésion ou la pathologie dont souffre son patient.
À noter que sur ordonnancier libre le rédacteur mentionnera une notion de lien avec l’activité professionnelle. Cette mention est inutile, car implicite, sur le Cerfa. Le médecin n’engage sa responsabilité que lorsqu’il rédige un faux certificat ou outrepasse sa mission. Exemple : un assuré formule une demande de reconnaissance en maladie professionnelle pour un syndrome anxiodépressif. Il explique au médecin que c’est consécutif à un harcèlement moral qu’il dit subir au travail. Si le médecin reprend les dires du patient dans le CMI, alors il émet un jugement de valeur sur l’entreprise.
Dans ce cas, il outrepasse ses missions puisqu’il porte des allégations sur le fonctionnement ou l’organisation de l’entreprise. Du moment où le médecin ne mentionne que l’existence d’une lésion ou pathologie en lien avec l’activité professionnelle, il a rédigé un CMI en toute conscience, conforme à ce qu’il a constaté et en accord avec son patient. Il n’y a pas de rupture du secret médical.

 

Une « boîte à outils » pour le certificat médical initial (CMI)

En cours de chargement...