Future convention médicale : « Un rendez-vous important pour les médecins et pour les assurés »

Portrait du directeur général de la Cnam Thomas Fatôme

Les négociations entre l’Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et les représentants des médecins libéraux en vue de la future convention médicale se sont ouvertes le 9 novembre dernier. Objectif : fixer collectivement le cadre qui régira les relations entre les médecins libéraux et l’Assurance Maladie pendant les 5 années à venir (2023-2027).

Thomas Fatôme, directeur général de l’Uncam et de la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam), présente et développe les principaux axes qui orienteront les discussions au cours des prochains mois.

Ces négociations s’ouvrent dans un contexte particulièrement complexe, après près de 3 ans d’une crise sanitaire inédite...

Thomas Fatôme. Beaucoup des questions à l’ordre du jour ne sont pas nouvelles. Il est vrai cependant qu’elles prennent une acuité particulière dans le contexte que nous connaissons. Le Covid a constitué un choc majeur pour tout notre système de santé. Ou plutôt des chocs, sur les vocations, sur les organisations, sur les revenus. Mais ces chocs ont par ailleurs aussi engendré des succès incontestables : je pense notamment à la campagne de vaccination contre le Covid, portée par les efforts conjoints des pouvoirs publics et des acteurs de santé de la ville, de l’hôpital et du médico-social.
Cette crise est intervenue dans un contexte inédit d’« effet ciseau » lié, d’un côté, au vieillissement de la population et au poids croissant des maladies chroniques et, de l’autre, aux tensions sur la démographie médicale.
De nouvelles priorités émergent par ailleurs : les questions de santé mentale, enjeu majeur de santé publique au regard des effets délétères qu’a eus la crise du Covid sur nos concitoyens, l’urgence environnementale, qui appelle notamment une sobriété médicamenteuse etc.
Il faut ajouter à cela le contexte de remontée forte de l’inflation, une donnée que l’on devra intégrer dans la construction de la convention.
Ces négociations s’ouvrent enfin après le lancement le 3 octobre dernier par le ministre de la Santé et de la prévention des concertations du Conseil national de la refondation en santé. Elles devront donc notamment tenir compte des priorités identifiées dans le cadre de ces travaux, parmi lesquelles l’objectif de 10 000 assistants médicaux d’ici 2025 et l’accès à un médecin traitant ou à une équipe soignante de référence pour tous.

 

Quels sont précisément les objectifs principaux pour cette nouvelle convention médicale et les leviers d’action envisagés pour les atteindre ?

Thomas Fatôme. La lettre de cadrage ministérielle a fixé les 4 axes de travail qui guideront les discussions :

  • améliorer l’accès aux soins de tous et lutter contre les déserts médicaux ;
  • renforcer la qualité des soins et soutenir l’action des médecins libéraux en matière de santé publique ;
  • garantir un médecin traitant à chacun, en libérant du temps médical ;
  • poursuivre le développement du numérique en santé.

Le 1er axe vise l’accès aux soins dans tous les territoires, pour tous les patients et à tous les moments de la prise en charge. Il s’agit de lutter contre toutes les inégalités d’accès à la santé, qu’elles soient territoriales, sociales ou financières. Cela passera par exemple par la rationalisation et l’optimisation des aides démographiques. Nous souhaitons également favoriser les consultations avancées de certains spécialistes dans les zones sous-denses et pérenniser les mesures prises cet été autour des soins non programmés.

Le 2e axe est dédié à la prévention ainsi qu’à la pertinence et à la qualité des soins. Il s’agit de faire passer notre système de santé d’une approche curative à une approche préventive. La mesure intégrée au projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023 qui prévoit des consultations de prévention à 3 périodes clés de la vie (25 ans, 45 ans et 65 ans) est l’un des leviers pour y parvenir. Nous proposerons par ailleurs de rénover la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) en en limitant le nombre d’indicateurs et en les concentrant davantage sur les enjeux de santé publique, notamment autour du dépistage des cancers et de la vaccination. Nous discuterons aussi d’un élargissement de son champ. Enfin, il conviendra de prévoir les conditions et les moyens pour garantir le bon usage des produits de santé.

Le 3e axe porte sur l’accompagnement des médecins pour leur permettre de dégager plus de temps dédié aux soins. L’Assurance Maladie entend réaffirmer le rôle central du médecin traitant dans le parcours de soins et améliorer l’accès au second recours. Il nous faut réfléchir collectivement aux leviers à activer : le déploiement des assistants médicaux, la construction d’équipes pluridisciplinaires autour des médecins, la constitution d’équipes de soin spécialisées libérales, la réduction des charges administratives qui pèsent sur les médecins, etc. Notre objectif est de donner aux médecins libéraux les moyens pour prendre en charge plus de patients, tout en améliorant leurs conditions d’exercice et la qualité de la prise en charge de leurs patients. La médecine libérale doit pouvoir tenir le rôle central qui est le sien dans notre système de santé, malgré un contexte difficile pour les praticiens : il faut donc aider les médecins en exercice, rendre la médecine libérale attractive pour les jeunes médecins, et créer les conditions favorables au maintien d’activité des médecins seniors qui le souhaitent.

Enfin, le 4e volet repose sur la poursuite du déploiement du numérique en santé, qui doit permettre aux professionnels de santé de se coordonner plus facilement autour du patient.

 

Qu’en est-il du volet financier et de la revalorisation de la pratique de la médecine libérale pour répondre à ces ambitions ?

Thomas Fatôme. Cette négociation conventionnelle comporte un volet tarifaire, c’est une évidence. Lorsque l'on met en place une nouvelle organisation des soins, il y a des conséquences sur le modèle économique, nous sommes lucides sur ce point. Droits et devoirs, liberté et responsabilité, engagements et contreparties, on peut formuler les enjeux de nombreuses façons… Il faut faire évoluer le modèle économique, sans doute diversifier les modes de rémunération, toujours avec l’idée de permettre aux médecins de s’organiser pour répondre aux besoins de santé de leur territoire. La question de la revalorisation est ouverte et le quantum sera fondamentalement lié aux ambitions que l’Assurance Maladie et les médecins libéraux pourront porter ensemble. De nombreux aspects sont concernés : le tarif de la consultation, le niveau du forfait médecin traitant, le niveau de rémunération de certaines spécialités cliniques, la valorisation de la permanence des soins ambulatoires et plus généralement de l’engagement territorial, etc.

Nous ferons tout ce que nous pourrons pour mettre les médecins libéraux en situation de répondre aux besoins de nos concitoyens pour les 5 années à venir. Ce rendez-vous est important pour les médecins, dont les conditions d’exercice et la rémunération doivent être repensées en parallèle, et pour les assurés et leurs conditions d’accès aux soins.

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