« Covid long » : quel diagnostic et prise en charge par le masseur-kinésithérapeute ?

La Haute Autorité de santé (HAS) utilise le terme de « symptômes prolongés suite au Covid-19 » : il s’agit de symptômes qui se manifestent au-delà de 4 semaines après la date présumée de contamination et qui ne peuvent pas être expliqués par une autre maladie. Le plus souvent, le patient souffre de plusieurs symptômes associés, ils peuvent être différents d’un patient à l’autre et d’intensité inégale.

La définition de la HAS comporte :

  • un épisode initial symptomatique du Covid-19 :
    • soit confirmé par au moins un critère parmi : PCR SARS-CoV-2 positif, test antigénique SARS-CoV-2 positif, sérologie SARS-CoV-2 positive, anosmie/agueusie prolongée de survenue brutale, scanner thoracique typique (pneumonie bilatérale en verre dépoli…) ;
    • soit probable par l’association d’au moins 3 critères, de survenue brutale, dans un contexte épidémique, parmi : fièvre, céphalée, fatigue, myalgies, dyspnée, toux, douleurs thoraciques, diarrhée, odynophagie. Une sérologie SARS-CoV-2 positive peut aider à ce diagnostic ;
  • la présence d’au moins un des symptômes initiaux au-delà de 4 semaines suivant le début de la phase aiguë de la maladie ;
  • des symptômes initiaux et prolongés non expliqués par un autre diagnostic sans lien connu avec le Covid-19.

La persistance de symptômes après les premières manifestations de Covid-19 a été décrite chez plus de 20 % des patients après 5 semaines, et chez plus de 10 % des patients après 3 mois. Cependant ces chiffres ne prennent pas en compte la sévérité des symptômes. Ces symptômes prolongés peuvent survenir même chez des personnes ayant fait des formes peu sévères. Ils sont polymorphes et peuvent évoluer de façon fluctuante sur plusieurs semaines ou mois.

Il s'agit d'un diagnostic médical et il est nécessaire d'éliminer des diagnostics différentiels avant d'entamer une prise en charge.

Pour en savoir plus, consulter l'espace dédié au Covid long sur le site Santé.fr

Le masseur-kinésithérapeute va être sollicité pour la prise en charge de 3 principaux symptômes :

  1. La prise en charge de la fatigue et la réadaptation à l'effort.
  2. La dyspnée, l'hyperventilation et les troubles respiratoires non corrélés à l'activité physique.
  3. Enfin, les douleurs qui peuvent être diffuses ou spécifiques et ponctuelles. Il est important pour le masseur-kinésithérapeute de faire la différence entre ce qui peut être amélioré par la rééducation et ce qui ne le peut pas et nécessite d'une prise en charge médicale.

Définition du Covid long et rôle du masseur-kinésithérapeute dans la prise en charge

Entretien avec Xavier Dufour, masseur-kinésithérapeute (URPS – MKIDF), Pr François Rannou, chef du service Médecine physique et réadaptation, hôpital Cochin – Université Paris Cité (Vidéo)

En février 2021, la HAS a mis à la disposition des professionnels de santé une réponse rapide ainsi que des fiches.

Cette réponse rapide apporte les éléments pour réaliser une évaluation initiale (outils et échelles), la liste des diagnostics différentiels et les modalités de prise en charge et d’orientation des patients. Elle propose par ailleurs 2 fiches spécifiques sur la prise en charge par le masseur-kinésithérapeute :

Les recommandations présentées lors d’un webinaire « Symptômes prolongés du Covid-19 chez l'adulte » sont disponibles en replay

Quels sont les points d'alertes et drapeaux rouges à prendre en compte par le masseur-kinésithérapeute ?

Certains symptômes doivent amener à arrêter la kinésithérapie et réorienter le patient vers son médecin. Il s'agit de la désaturation pendant la rééducation et de l'hypotension à l'effort.

D'autres symptômes ne contre-indiquent pas la rééducation mais doivent amener à orienter le patient vers son médecin traitant pour une prise en charge associée. Il s'agit :

  • du syndrome de stress post-traumatique. En effet le patient n'est pas en état de suivre la rééducation et nécessite une prise en charge psychologique ;
  • une perte de poids importante entrainant une perte de masse musculaire ; on doit s'alerter devant une perte de 5 % du poids en 1 mois ou 10 % en 6 mois. 

Quel bilan kinésithérapique réaliser devant une fatigue et des troubles cardiopulmonaires ? 

Le bilan kinésithérapique à réaliser devant une fatigue. Entretien avec Xavier Dufour et le Pr François Rannou (Vidéo)

Il faut savoir que dans cette pathologie, la fatigue est fluctuante et que c'est habituel. Il est important de rassurer le patient et lui expliquer que la rééducation va être longue et qu'il va falloir apprendre à vivre avec.

Pour évaluer l'état clinique du patient, on dispose de plusieurs échelles et tests.

  1. Le questionnaire Chalder donne une vision plus globale de la fatigue et pas juste à un instant précis. Cela permet de monitorer la fatigue sur des intervalles longs. La fatigue est un ressenti qui évolue très lentement, il faut prendre en compte la tendance plutôt que le résultat en lui-même.
  2. Le test assis-debout : on compte combien de fois le patient s'assoit et se lève en 30 secondes. Le résultat est à interpréter en fonction de l'âge et du sexe du patient.
  3. Il existe un test d'autoévaluation : l'échelle de Borg modifiée. Pour faire passer ce test, il faut utiliser une question précise et le patient va choisir une réponse dans l'échelle visuelle. On utilise une question telle que « comment je me sens maintenant ? ». Cette évaluation va se faire à intervalles fréquents, plutôt pour évaluer la séance.

Quel bilan kinésithérapique réaliser devant des troubles cardiopulmonaires ?  

Les patients souffrants de symptômes persistants du Covid-19 vont être amenés à consulter un masseur-kinésithérapeute dans 2 principales situations :

  • le syndrome d'hyperventilation ;
  • et/ou le déconditionnement à l'effort.

Il est important de faire la différence puisque ce n'est pas la même prise en charge.

Pour faire la différence, on utilise 2 échelles :

  • pour la dyspnée, on utilise l'échelle mMRC qui permet de classer la dyspnée de 0 à 4, 0 étant une absence de gêne et 4 un essoufflement au repos ;
  • le score de Nijmegen permet de faire le diagnostic du syndrome d'hyperventilation. À partir de 16 items tels que l'incapacité à respirer profondément, une sensation de palpitation ou de fourmillements dans les doigts, on calcule un score prédictif d'un syndrome d'hyperventilation. Un score supérieur à 23/64 est positif.

Quelles sont les modalités de rééducation par le masseur-kinésithérapeute ? 

Avant de débuter la rééducation, quelques précautions sont à respecter.

Concernant la fatigue et la réadaptation à l'effort, il est important de proposer une rééducation adaptée et individualisée, fractionnée si besoin et progressive pour ne pas l'aggraver.

Il est très importance d'insister sur les points d'amélioration et de progression car le ressenti évolue très lentement. Le rôle du thérapeute est très important car le patient se focalise sur ce qu'il n'arrive toujours pas à faire.

Dans cette pathologie, les patients présentent souvent une intolérance à l'effort. L'effort est bien réalisé durant la séance mais quelques heures à jours plus tard, on assiste à une recrudescence des symptômes. Il est important de ne pas le nier et de rassurer le patient pour qu'il se sente écouté. Il s'agit d'un phénomène fréquent et habituel. Il est nécessaire d'apprendre à repérer les bons moments pour faire de l'exercice et adapter la rééducation en fonction de l'état du jour.

Concernant la rééducation cardiorespiratoire, il est indispensable de bien surveiller la survenue d'une hypotension et de la tachycardie.

Comme on l'a vu précédemment, on aura 2 types de situations qu'il faut bien différencier, une dyspnée sur désadaptation à l'effort et un syndrome d'hyperventilation.

Quelles sont les modalités d’une rééducation kinésithérapique dans le cas d’un Covid long ? Entretien avec Xavier Dufour et le Pr François Rannou (Vidéo)

Covid long : les gestes pratiques en rééducation par le masseur-kinésithérapeute par Xavier Dufour (vidéo)

L'objectif est une rééducation aux activités de la vie quotidienne comme la marche ou monter les escaliers. Il est important de proposer des exercices factionnés avec des temps de repos plus important que le temps de travail.

Il est aussi important de régler l'hyperventilation avant de s'occuper de la rééducation à l'effort car celui-ci aggrave l'hyperventilation.

Accès aux cellules d'appui et de coordination régionales

Le médecin peut contacter les cellules de coordination, mises en place par les agences régionales de santé (ARS). Ces cellules peuvent être constituées de différents spécialistes et viennent en appui des médecins traitants afin de  l’aider à organiser une prise en charge globale. L'annuaire et les moyens de contacter les cellules de coordination sont disponibles sur le site des ARS :

Accompagnement médico-social des patients

Aides des services de l’Assurance Maladie

La persistance des symptômes du Covid-19 peut entraîner des difficultés administratives, financières et sociales pour les patients. L’Assurance Maladie propose plusieurs aides :

Les vidéos ont été réalisées avec les partenariats suivants : l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) masseur-kinésithérapeute d’Île-de-France et de la Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer).

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