« Sur 28 patients souffrant d’insuffisance cardiaque, 24 ont évité l’hospitalisation »

Améliorer la prise en charge de l’insuffisance cardiaque : tel est le but d’une expérimentation lancée il y a un an par la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de Mauriac (Cantal). Le docteur Marie Blanquet, praticien hospitalier en médecine générale, responsable de l’unité de recherche clinique au centre hospitalier de Mauriac et présidente de cette CPTS revient sur le parcours mis en œuvre pour les patients atteints de cette pathologie.
Quels sont les grands principes qui structurent le parcours de soins du patient atteint d’insuffisance cardiaque ?
Dr Marie Blanquet. Il ne s’agit pas d’un parcours de « soins » mais véritablement d’un parcours de santé car la prise en charge globale du patient constitue l’un des 4 grands principes qui le structurent. Cette prise en charge se traduit notamment par le dépistage de l’ensemble des comorbidités en lien avec l’insuffisance cardiaque et l’âge du patient. Elle intègre aussi les volets « social » et « préventif », sans oublier l’éducation thérapeutique du patient. Nous portons, par ailleurs, une attention particulière à l’aidant afin de détecter un éventuel épuisement de sa part ou une négligence de sa propre santé.
Le 2e principe – dans le continuum de la prise en charge – est l’introduction de soins palliatifs chez un patient souffrant d’une insuffisance cardiaque avancée afin d’améliorer sa qualité de vie et de mieux soulager ses symptômes.
Le 3e principe repose sur le développement de la recherche clinique visant, notamment, à mieux connaître l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (1) : aujourd’hui, on ne sait pas pourquoi certains patients décompensent plus que d’autres et il y a très probablement des profils de patients à identifier dans ce sens.
Enfin, le dernier principe mis en œuvre est le recours à la télésurveillance, qui révolutionne la prise en charge car elle permet, d’une part, d’améliorer la qualité des soins et, d’autre part, d’optimiser le maintien à domicile.
Quels objectifs un tel parcours poursuit-il ?
Dr Marie Blanquet. Il s’agit de réduire le nombre d’hospitalisations évitables et, pour celles qui ne le sont pas, de diminuer la durée du séjour, en particulier pour les personnes âgées afin d’éviter la iatrogénie hospitalière. Dans la même logique, un autre objectif consiste à améliorer la qualité des soins en recourant au suivi des patients via la télésurveillance. Avec ce dispositif, on peut détecter les décompensations aiguës de façon plus précoce pour intervenir tout de suite. Voilà un an que nous expérimentons ce parcours et les résultats sont déjà très satisfaisants : sur les 28 patients qui en bénéficient, 24 ont évité l’hospitalisation. Ces derniers ont intégré Cardiauvergne, un service de télésurveillance et de coordination des soins adossé au CHU de Clermont-Ferrand.
Quel rôle joue le médecin généraliste dans ce parcours ?
Dr Marie Blanquet. Le médecin généraliste est un des piliers des soins de santé primaires. Il possède l’ensemble des compétences pour réaliser la prise en charge globale du patient. Ceci dit, la coordination et la prise en charge d’une maladie chronique comme l’insuffisance cardiaque prennent du temps. C’est pourquoi il faut repenser la médecine générale avec un changement de paradigme : recentrer le médecin généraliste sur son cœur de métier, en déléguant certaines tâches aux infirmiers, telles que les évaluations gériatriques standardisées et les dépistages des comorbidités. Pour accompagner au mieux les médecins, la CPTS leur propose des formations et met à leur disposition les dernières recommandations sur le sujet.
L’insuffisance cardiaque en quelques chiffres
L’insuffisance cardiaque touche 2,3 % de la population française adulte et 10 % des personnes de plus 70 ans, ce qui représente près de 1,5 million de patients, avec certaines disparités territoriales. Chaque année, plus de 160 000 personnes sont hospitalisées pour une insuffisance cardiaque et plus de 70 000 décès sont associés à cette pathologie. Il s’agit d’une pathologie probablement sous-diagnostiquée (on estime entre 400 000 à 700 000 le nombre de patients en insuffisance cardiaque non diagnostiqués) (2). Elle constitue un enjeu important de santé publique. Les hospitalisations représentent un fort poids dans la dépense de soins, avec une dynamique croissante.
(1) L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée est un syndrome protéiforme, à la physiopathologie complexe, dépendante de l’étiologie dominante, associé à diverses comorbidités.
(2) L’ensemble de ces données proviennent de la Société française de cardiologie.