« Le patient doit devenir auteur de son scénario de soins et le médecin l’aide à l’écrire »

Plus de 20 % des personnes ayant été atteintes par le Covid-19 présentent encore au moins un des symptômes initiaux 5 semaines après le début de la maladie, et plus de 10 % après 3 mois (1). Des cellules d’appui ont été mises en place au plan départemental pour accompagner les médecins et leurs patients dans la prise en charge de ces cas complexes, qui nécessitent généralement une intervention pluridisciplinaire.
Le docteur Éric Drahi, membre du Collège de la médecine générale et médecin coordinateur de l'association Appui santé Loiret, qui constitue la cellule de coordination post-Covid de ce département, décrypte les atouts de ces cellules, en s’appuyant sur les retours des patients et des professionnels de santé. Fort de son expérience dans le groupe de travail qui a participé à la rédaction des réponses rapides de la Haute Autorité de santé (HAS), il présente cette ressource, ainsi que le nouveau questionnaire de l’association TousPartenairesCovid.
Comment en êtes-vous arrivé à travailler sur le sujet du Covid long ?
Dr Éric Drahi. Très tôt, dès la première vague de Covid-19 en avril 2020, l’association Appui santé Loiret, dont je suis le médecin coordinateur, a accompagné les patients et les médecins pour faciliter le suivi à domicile à la phase aiguë. Depuis fin 2021, elle guide les patients souffrant de symptômes prolongés après avoir eu le Covid-19. Il faut rappeler que le Covid est une maladie surprenante à la fois pour le patient et le médecin, avec des associations de symptômes « sans queue ni tête », perturbants et variables dans la durée, avec des périodes aiguës et des phases asymptomatiques. C’est ce qui le différencie des maladies chroniques classiques. Mais il présente aussi des similarités avec celles-ci : le patient doit rester acteur et il est important de développer ses compétences pour la gestion de ses symptômes au quotidien. Je dis souvent qu’il faut que le patient devienne auteur de son scénario de soins et que le professionnel de santé l’aide à écrire ce scénario.
J’ai aussi participé à la rédaction des réponses rapides de la Haute Autorité de santé sur les symptômes prolongés à la suite du Covid-19. Ces fiches sont pragmatiques, mais malheureusement trop peu connues. Dès leur rédaction en 2021, on a parlé de la possibilité d’adresser les patients à des « organisations territoriales pluridisciplinaires et pluriprofessionnelles », c’est-à-dire les futures cellules de coordination.
À quel moment le médecin peut-il solliciter ces cellules de coordination ?
Dr Éric Drahi. Les cellules de coordination entrent en jeu quand les médecins traitants sont arrivés au bout en termes de bilans médicaux, de ressources et de rééducation. Elles facilitent une prise en charge pluridisciplinaire et permettent de trouver des spécialistes comme des psychologues, car il y a une véritable souffrance chez certaines personnes, des orthophonistes ou des kinésithérapeutes, ou encore organiser un bilan en milieu spécialisé voire en soins de suite et de réadaptation (SSR). Lorsqu’il existe un syndrome d’hyperventilation, une kinésithérapie respiratoire spécifique par un kinésithérapeute formé doit précéder les autres rééducations et doit prendre en compte qu’après l’effort, il peut y avoir une exacerbation des symptômes. Cette rééducation particulière, par paliers, n’est pas habituelle et est très importante pour que le patient puisse la continuer dans le temps.
L’Appui santé Loiret travaille beaucoup sur l’éducation thérapeutique, notamment pour traiter les troubles somatoformes une fois que la possibilité d’une maladie organique a été éliminée. À Appui Santé Loiret, un patient atteint de symptômes prolongés du Covid passe 2 entretiens individuels d’une heure chacun, avec le remplissage d’autoquestionnaires pour détailler les symptômes, puis des ateliers thématiques lui sont proposés selon ses besoins : connaissance de la maladie, douleur, autorééducation olfactive, sophrologie, souffle, groupe de parole. À la fin du premier entretien, certains patients nous disent : « Merci de m’avoir écouté ». Ils ont des symptômes qui durent depuis des mois, voire depuis la première vague et ils ont besoin d’exprimer leur souffrance, leur détresse par rapport à cette maladie : c’est essentiel. Les médecins sont satisfaits de nous passer le relais. Quoiqu’il arrive, on ne se substitue pas au médecin, on lui transmet un rapport listant les bilans médicaux et/ou la réadaptation à réaliser et il garde la main sur la suite à donner.
Le patient peut désormais remplir un questionnaire sur son Covid avant d’aller en consultation : qu’en pensez-vous ?
Dr Éric Drahi. Ce questionnaire en ligne de l’association TousPartenairesCovid est utile à plusieurs niveaux. Il permet de recenser les signes de la maladie, et surtout d’avoir une vision globale et donc de réfléchir à une réponse globale et non symptôme par symptôme. Le 2e avantage est de préparer le rendez-vous avec le médecin traitant car une consultation pour Covid long peut être particulièrement complexe et prendre du temps. Souvent les patients souffrent depuis longtemps, leur qualité de vie est altérée et ils ont besoin d’en parler. Si l’intensité des symptômes n’est pas handicapante pour son quotidien, le patient a pu se résigner à vivre avec ou a essayé l’automédication ou l’autorééducation de son anosmie. C’est tout l’intérêt de ce questionnaire : pouvoir lister et prendre en compte tous les symptômes. L’outil ne résout pas la question de la prise en charge, mais c’est une première étape qui permet d’ouvrir le dialogue avec le médecin.
Trouver une cellule de coordination
Les ARS proposent, sur leur site, l'annuaire des cellules de coordination ou un établissement de soins :
- ARS Bourgogne-Franche-Comté
- ARS Bretagne
- ARS Centre-Val-de-Loire
- ARS Grand-Est
- ARS Île-de-France
- ARS Normandie
- ARS Aquitaine : appeler le 0809 109 109 (prix d’un appel local)
- ARS Occitanie
En savoir plus sur le Covid long, son diagnostic et sa prise en charge.
Consulter les réponses rapides ainsi que les fiches de la HAS.