« Face à un cas évocateur de Monkeypox, le médecin doit porter un masque FFP2 et des gants »

Le nombre d’infections à Monkeypox (variole du singe) est encore faible en France, avec une centaine de cas, mais en augmentation constante, tendance que les rassemblements estivaux sont susceptibles d’accentuer.

Le professeur Jade Ghosn, responsable de l’unité ambulatoire des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat à Paris, revient sur le diagnostic de la maladie et l’intérêt de la stratégie vaccinale post-exposition adoptée en France après l’apparition, en mai dernier, des premiers cas.

Quelle conduite doit tenir un médecin face à un patient présentant des symptômes évocateurs d'une infection par le Monkeypox virus ?

Jade Ghosn. Il faut avant tout connaître la définition d’un cas dit « possible/probable ». Pour cela, des outils ont été diffusés auprès des professionnels de santé par la Direction générale de la santé (DGS), la mission Coordination opérationnelle risque épidémique et biologiques (Coreb), et Santé publique France. La Coreb a d’ailleurs édité une fiche d’aide au diagnostic dermatologique intégrant des photos des lésions pour repérer et prendre en charge un patient positif. Les lésions provoquées par le Monkeypox virus peuvent ressembler à celles de la varicelle ; les praticiens doivent donc prendre connaissance des outils à leur disposition pour identifier les manifestations de l’infection.
Autre point essentiel : face à toute suspicion, le médecin doit impérativement se protéger avec un masque FFP2 (pas de masque chirurgical) et des gants lorsqu’il examine son patient. Pour confirmer l’examen clinique, un prélèvement cutané et/ou muqueux et/ou pharyngé peut être effectué dans n’importe quel établissement de soins, le prélèvement sera ensuite acheminé vers le laboratoire de virologie d’un établissement de santé de référence (ESR) où un test RT-PCR sera réalisé pour confirmer le diagnostic. Il est inutile d’envoyer le patient vers un ESR pour se faire prélever.
Il s’agit, pour l’heure, d’une maladie
bénigne. Aucune forme grave n’a été détectée en Europe, aux États-Unis ou au Canada. Seules les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes et les jeunes enfants seraient plus à risque de développer une forme grave de la maladie.
Elle ne nécessite, dans la majorité des cas, aucun traitement spécifique et évolue spontanément de manière favorable. La seule vraie contrainte reste l’isolement strict de la personne positive, d’une moyenne de 21 jours, jusqu’à la disparition totale des croûtes. Tant que la dernière croûte n’est pas tombée, la personne est contagieuse.

Pourquoi la Haute Autorité de santé (HAS) recommande-t-elle d’appliquer une stratégie vaccinale réactive en post-exposition ?

Jade Ghosn. Compte tenu de la circulation actuelle peu active du virus, il est possible et nécessaire de casser les chaînes de transmission. C’est-à-dire de vacciner les personnes qui ont été en contact direct avec des personnes diagnostiquées positives à l’infection par le Monkeypox virus. Si le contact date de moins de 14 jours maximum, la personne est éligible à la vaccination, qui devrait permettre d’empêcher le développement de la maladie. Cette stratégie vaccinale a déjà été éprouvée pour d’autres maladies infectieuses virales comme l’hépatite A, par exemple, avec une efficacité de l’ordre de 80 % de protection conférée par la vaccination post-exposition ou encore la rougeole avec une protection de l’ordre de 70 %. Concernant le Monkeypox virus, on estime que le taux minimum de protection du vaccin serait de 80 % en post-exposition. C’est le minimum attendu. En pratique, la vaccination est uniquement réalisée au sein des ESR et, à ce jour, une centaine de personnes se sont fait vacciner post-exposition.

Craignez-vous, comme l’Organisation mondiale de la santé, une explosion des cas ?

Jade Ghosn. Cette crainte est tout à fait légitime car le R0 (le nombre de personne qui peuvent être contaminées à partir d’une personne positive) pour cette maladie oscille entre 1,5 et 2,5. Les grands rassemblements du type festival - propices à la convivialité - augmentent le risque de transmission, et les contaminations peuvent devenir exponentielles. Dans ce contexte festif, il serait en outre difficile d’identifier tous les cas contact.
Actuellement, la maladie se diffuse essentiellement dans la communauté « HSH » (des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes). L’infection se transmet par contact direct avec les lésions cutanées ou les muqueuses d’une personne malade, et dans une moindre mesure par les gouttelettes (salive, éternuements, postillons…). Au vu des festivités à venir, c’est important d’informer la population sur les modes de transmission, la façon de se protéger et sur la conduite à tenir face à l’apparition de lésions ou à des manifestations pouvant faire suspecter cette maladie.

 

Où en est-on au niveau des contaminations en France et peut-on parler d’épidémie ?

« Au 14 juin, 125 cas confirmés de Monkeypox ont été rapportés, soit 1 mois après la découverte du premier cas sur le territoire français. La majorité des cas en France est concentrée en Île-de-France (91 cas). On peut parler d’épidémie car même si le virus circule de façon peu active, il est présent dans plusieurs pays de façon simultanée : en France, au Royaume-Unis, en Espagne, au Canada, aux États-Unis, en Belgique, etc. », explique le professeur Ghosn.

Les informations et outils pratiques destinés aux professionnels de santé :

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