Diabète et tabac : un cocktail nocif !
Quel est le lien entre le tabac et le diabète ? Fumer augmente-t-il le risque d’avoir du diabète ?
Il apparaît que le tabagisme est diabétogène, c’est-à-dire que fumer favorise l’augmentation de la glycémie. Pour les personnes prédisposées au diabète, le risque d’en développer un est plus grand. Cette information étant peu connue, il est important de rappeler la nécessité de faire de la prévention auprès des patients et professionnels de santé. Les études épidémiologiques ont montré que le risque relatif de développer un diabète de type 2, augmente de 37 à 44 % chez les fumeurs, par rapport aux non-fumeurs. Il est favorisé par l’augmentation de la résistance à l’, dit « l’insulinorésistance », dû à la consommation de tabac. Il s’agit d’anomalies de sensibilité à l’insuline, liées en partie à la nicotine, mais aussi à des modifications hormonales induites par cette dernière, notamment une accumulation de la graisse viscérale. Les fumeurs bien qu’ayant un poids plus bas que les non-fumeurs, ont une répartition différente de leurs tissus adipeux, qui se situent davantage au niveau du ventre, et qui accroît l’insulinorésistance. L'hypoxie (un niveau d’oxygène plus faible), à laquelle les fumeurs sont exposés, peut aussi expliquer l’inefficacité de l’insuline.
Quels sont les effets néfastes du tabac sur une personne fumeuse et souffrant de diabète ?
Ce qui est important à retenir, c’est qu’en réalité, le premier facteur de mortalité des personnes diabétiques, c’est le tabac. Ce n’est pas un scoop ! Fumer n’est pas bon pour la santé (75 000 décès évitables par an). Le tabagisme a un impact sur les systèmes cardiovasculaires et métaboliques. Indépendamment du diabète, c’est un facteur de morbi-mortalité cardiovasculaire connu.
Le diabète favorise non seulement le risque de développer des maladies cardiovasculaires, mais aussi le risque d’en décéder (prioritairement par un infarctus du )... Le tabagisme majore les complications macroangiopathiques (c’est-à-dire les risques d’infarctus, d’AVC,…), mais également la microangiopathie (néphropathie chez le diabétique de type 2 et rétinopathie chez le diabétique de type 1). Il a également une incidence sur l’équilibre du diabète, car il provoque une instabilité glycémique (les personnes insulinodépendantes ont plus de fluctuations glycémiques, et présentent plus d’hypoglycémies).
Le tabac a-t-il des effets sur l’alimentation ? Le cholestérol ?
Les personnes fumeuses ne s’alimentent pas de la même manière : avec la consommation de tabac, elles subissent des pertes de saveur, ce qui les incite à manger des aliments plus agréables (plus gras, sucrés). Cela peut avoir une incidence sur l’équilibre du diabète. Toutefois, ceux qui arrêtent de fumer ont plutôt tendance à prendre du poids, en perdant l’effet anorexigène de la cigarette. Il faut donc être vigilant ! 70% des fumeurs qui stoppent le tabac, prennent en moyenne 4 à 5 kilos dans les six mois qui suivent l’arrêt du tabac (15% ne prennent pas de poids, voire en perdent). Ce paradoxe est un sujet préoccupant chez les patients atteints de diabète, où la priorité est principalement d’arrêter de fumer, tout en sachant que la prise de poids à suivre est fréquente. Il est primordial d’accompagner et de bien orienter les patients vers une alimentation équilibrée.
Et sur l’état psychologique / la santé mentale ?
Les fumeurs ayant un diabète ou non sont généralement plus anxieux, stressés, déprimés. Le lien complexe entre tabac et souffrance psychique est établi. Les consommateurs sont persuadés qu’il s’agit d’un anti-stress, mais c’est un leurre ! Le soulagement du stress et de l’anxiété est très transitoire.
En revanche, la cigarette peut être un facteur social, de convivialité, ou « de détente ». L’espérance de vie est réduite jusqu’à 20 ans chez un patient qui fume et qui consomme des , pouvant notamment favoriser le diabète.
Existe-t-il une différence entre les hommes et les femmes en termes de fragilité, par rapport au tabagisme ? Et à la prédisposition au diabète ?
Épidémiologiquement, et d’une façon générale, les femmes ont une sensibilité accrue aux facteurs de risques liés au diabète, et l’augmentation du tabagisme féminin ces dernières années est préoccupante. Les femmes fumeuses et souffrant de diabète, courent un risque de développer un diabète gestationnel, pouvant entraîner de nombreuses complications lors de la grossesse, et présentent un risque accru d’infarctus du .
Quels conseils ou méthodes donneriez-vous pour arrêter le tabac ? Faut-il s’orienter vers un tabacologue ou bien un diabétologue ?
Il n’y a pas de méthodes spécifiques concernant les personnes atteintes de diabète, et il convient d’appliquer les principes généraux de l’aide au tabagique (que nous développons dans notre publication récente) 1, avec, cependant, une attention particulière sur la prise de poids et la gestion du stress et de l’anxiété. Pour ce qui est d’atténuer les symptômes d’anxiété voire de dépression, il est possible de travailler avec des professionnels tels que des psychologues, ou tenter d’autres procédés pour réduire son anxiété. Les consultations doivent se faire dans un climat empathique, tout en délivrant des messages fermes !
Dans la hiérarchie, le premier interlocuteur reste le médecin généraliste, qui peut ensuite orienter ses patients vers des professionnels concernés. Il est indispensable d’aider les professionnels de santé à aborder au mieux le sevrage tabagique dans leurs pratiques quotidiennes. Notre souhait, avec la Fédération Française des Diabétiques, la Société Francophone du Diabète, et la Société Francophone de Tabacologie, est qu'il y ait dans les équipes de soin pluridisciplinaires, quelqu’un de formé, un correspondant tabacologue ou bien un contact avec une structure de prise en charge dédiée.