La chlordécone est un pesticide destiné à lutter contre le charançon du bananier, un insecte ravageur pour ces cultures. Molécule organochlorée, la chlordécone, absente à l’état naturel dans l’environnement, est toxique pour l’homme.

Ce pesticide a été utilisé dans les bananeraies de la Martinique et de la Guadeloupe de 1972 à 1993. On estime à 300 tonnes de substance active la quantité employée et épandue aux Antilles sur les parcelles de bananiers.

Sa structure chimique explique sa persistance dans l’environnement contaminé depuis plusieurs décennies.

La chlordécone se fixe au sol. Elle est transportée par l’érosion des sols et par les pluies importantes dans les nappes d’eau superficielles ou profondes. Ces nappes alimentent les rivières qui sont alors polluées. Lorsqu’elles se jettent dans l’océan, les rivières polluent ensuite les embouchures et les côtes.

La pollution concerne donc les sols, l’eau des rivières et le milieu marin proche des secteurs où le pesticide a été utilisé. La chlordécone n’a pas été trouvée dans l’air.

À ce jour, on estime qu’au moins un tiers des surfaces agricoles et près de la moitié des ressources en eau douce et du littoral marin de la Guadeloupe et de la Martinique sont pollués par la chlordécone.

La voie alimentaire demeure à ce jour la principale voie d’exposition pour la population guadeloupéenne et martiniquaise. De nombreux aliments locaux, principalement les légumes racines poussant dans des milieux pollués, certains poissons et crustacés, les œufs issus de poules de particuliers vivant dans les milieux pollués ou consommant de l’eau polluée, peuvent être contaminés.

Suite à l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés, la chlordécone est absorbée et passe dans le sang. Elle est ensuite distribuée dans les différents organes. La chlordécone est transformée partiellement par le foie en différents composants, déversés dans le tube digestif par la bile et éliminés dans les selles.

Le processus d’élimination de la chlordécone dans le corps humain est long. Le temps nécessaire à une diminution de seulement 50 % de sa concentration dans le sang en dehors de toute nouvelle exposition est de 131 jours.

La recherche étudie les propriétés neurotoxiques, toxiques pour la reproduction, et cancérogènes de la chlordécone. Ce pesticide est classé comme cancérigène probable et perturbateur endocrinien (substance qui altère les fonctions du système endocrinien, causant un effet sur la santé d’un individu, sa descendance ou des sous-populations).

Chlordécone et fertilité

Chez l’homme

Aucune corrélation significative entre concentration de chlordécone dans le sang et caractéristiques du sperme n’a été trouvée et le délai de conception d’un enfant n’est pas allongé pour les hommes ayant un taux élevé de chlordécone dans le sang.

Chez la femme

À ce jour, il n’existe aucune donnée épidémiologique concernant un impact éventuel de la chlordécone sur la fertilité féminine.

Cependant, les études en cours ont retrouvé des anomalies dans les expérimentations chez l’animal (souris) : retard de puberté, anomalies de développement des follicules ovariens avec modifications épigénétiques (modifications réversibles de l’activité des gènes sans que ces derniers ne soient altérés dans leur structure).

Chlordécone, grossesse et allaitement

La chlordécone parvient à traverser la barrière placentaire. L’exposition à la chlordécone, perturbateur endocrinien, comporte des risques pour la grossesse et le neurodéveloppement de l'enfant (Étude TIMOUN).

Prématurité

Ce pesticide augmente le risque de prématurité. Plus la teneur en chlordécone dans le sang est élevée, plus la durée de la grossesse diminue et plus le risque d’un accouchement prématuré augmente.

Neurodéveloppement de l'enfant

Il semblerait qu’il existe en revanche une association entre chlordécone et neurodéveloppement de l’enfant avec des répercussions sur le développement de la motricité fine. À l’âge de 18 mois, l’exposition prénatale à la chlordécone est en effet associée de manière significative à des anomalies de la motricité fine chez les garçons. Par ailleurs, des travaux publiés en 2022 montrent qu'une exposition pré et postnatale à la chlordécone pourrait impacter le développement cognitif et le comportement des enfants. Les études se poursuivent pour savoir si ces effets s’aggravent, se stabilisent ou disparaissent durant la croissance de l’enfant.

Allaitement

Même si la chlordécone peut être retrouvée dans le lait maternel, le bénéfice de l’allaitement prédomine sur le risque d’exposition du nouveau-né. L’allaitement diminue l’exposition des nouveau-nés à d’autres polluants.

Lire les informations sur le site de l'Ireps de la Guadeloupe « Chlordécone : je préserve mon bébé »

Chlordécone et impact hormonal

La chlordécone est classée parmi les perturbateurs endocriniens. Aucun impact hormonal significatif n’a été noté, à ce jour, chez les enfants jusqu’à l’âge de 7 ans.

Des observations jusqu’à l’âge adulte sont nécessaires pour tous les enfants ayant été exposés pendant la grossesse et après la naissance.

Chlordécone et cancer de la prostate

Sur la période 2007-2014, en Guadeloupe et en Martinique, le nombre de nouveaux cas de cancer de la prostate a été près de 2 fois supérieur à celui estimé en France métropolitaine.

Cette différence peut s’expliquer partiellement par les origines subsahariennes de la population, groupe ethno-géographique qui présente un risque plus élevé de développer la maladie.

Cependant, en raison de la fréquence élevée du cancer de la prostate aux Antilles et des propriétés toxiques multiples de la chlordécone, des études épidémiologiques (étude des rapports entre une maladie et divers facteurs comme le mode de vie, l'exposition à un produit toxique, etc.) ont été entreprises.

Une première étude de population (étude Karuprostate) a été réalisée en 2013 et a estimé qu’il existait une présomption forte d’un lien entre l’exposition à la chlordécone et le risque de survenue du cancer de la prostate.

Une nouvelle étude publiée en 2019, effectuée à partir de la même population (hommes cas-témoins atteints de cancer de la prostate de l’étude Karuprostate) a montré que l’exposition à la chlordécone était associée à un excès :

• de risque de survenue de cancer de la prostate (la chlordécone a un rôle de promoteur tumoral) ;
• de récidive de la maladie après traitement par prostatectomie radicale (la chlordécone favorise le développement et la progression tumorale).

Depuis le 22 décembre 2021, le cancer de la prostate lié à une surexposition à la chlordécone figure officiellement au tableau des maladies professionnelles.
Cette reconnaissance en maladie professionnelle s’inscrit dans le plan dit « chlordécone IV » destiné à agir contre les conséquences de la pollution à long terme de la chlordécone. Le plan prévoit notamment un dispositif d’accompagnement spécifique des personnes aux Antilles pour qu’elles puissent effectuer les formalités auprès du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides.

Comment faire sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle ?

Un tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate en lien avec l’exposition aux pesticides a été créé au régime agricole. Il permet de compléter et de faciliter les possibilités d’accompagnement au bénéfice des travailleurs agricoles qui ont été exposés aux pesticides. Ce tableau permet l’indemnisation des anciens travailleurs agricoles exposés à la chlordécone pendant leur activité professionnelle, sous réserve des conditions suivantes :

• avoir travaillé pendant au moins 10 ans au contact du chlordécone ;
• justifier que moins de 40 ans se sont écoulés entre leur dernière exposition et le diagnostic de cancer de la prostate.

Si vous pensez être concerné, parlez-en à votre médecin traitant.