Le tabac
Publié dans : Comment contrôler votre risque cardiovasculaire ?
09 octobre 2024
Le tabagisme favorise certaines maladies cardiovasculaires et respiratoires et a des impacts non négligeables sur la qualité de vie. La nicotine présente dans les cigarettes crée par ailleurs une dépendance. Quel que soit son mode de consommation, le tabac présente un risque pour la santé. Le risque de développer une maladie est lié au nombre de cigarettes fumées chaque jour, mais surtout à la durée pendant laquelle on a fumé. C’est pourquoi il est important d’arrêter de fumer le plus tôt possible !
Le tabagisme est responsable de 75 000 décès par an. Il a un impact sur les systèmes cardiovasculaires et métaboliques : il majore les complications des atteintes artérielles et contribue ainsi à la la survenue de nombreuses maladies telles que l'angine de poitrine (syndrome coronarien), l'infarctus du , les accidents vasculaires cérébraux, l' des jambes, ou encore l'hypertension artérielle. Fumer diminue également les capacités respiratoires et cardiaques à l'effort car le corps est moins bien oxygéné.
La consommation de tabac a aussi un impact sur l’alimentation. Les personnes fumeuses ne s’alimentent pas de la même manière car elles subissent des pertes de goût, qui les incitent à manger des aliments plus « agréables » (c’est-à-dire plus gras ou plus sucrés). L’équilibre alimentaire s’en trouve alors altéré. Il est donc nécessaire d’être accompagné et orienté vers une alimentation équilibrée en parallèle de l’arrêt de la cigarette.
>> Si vous souhaitez arrêter de fumer ou maintenir vos efforts dans l’arrêt du tabac, le service Tabac info service de l’Assurance Maladie peut vous soutenir et vous accompagner dans cette démarche. Il propose trois outils d'aide à l'arrêt :
- Le 39 89, numéro non surtaxé d’aide à distance, met en relation les fumeurs avec des tabacologues afin de bénéficier d’un suivi personnalisé et gratuit. Ce numéro est également accessible aux personnes sourdes ou malentendantes via la plateforme Acceo.
- Le site internet tabac-info-service.fr propose de nombreux contenus d’aide et outils d’accompagnement.
- L’application d’e-coaching Tabac info service, conçue par l’Assurance Maladie en partenariat avec Santé publique France, propose un programme complet et personnalisé pour optimiser les chances d’arrêt définitif du tabac. Accessible gratuitement depuis le Play store et l’Apple store, elle s’appuie sur des activités adaptées à chacun et propose des messages de prévention et de sensibilisation, via des notifications et des emails.
>> Depuis le début de l’année 2024, 100 700 utilisateurs ont téléchargé l’application et 49% déclarent avoir arrêté de fumer.
Dès que vous arrêtez de fumer, vous vous sentez mieux : vous améliorez l’atmosphère de votre habitat, vous préservez votre entourage du tabagisme passif (particulièrement les enfants qui sont vulnérables) et surtout, vous améliorez votre santé : les bénéfices interviennent presque immédiatement et durablement.
>> Découvrez les premiers effets de l’arrêt du tabac
Arrêter de fumer augmente l'espérance de vie et diminue en particulier la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires et au cancer broncho-pulmonaire. Quel que soit votre âge au moment de l’arrêt, les bénéfices apparaissent : le risque d'infarctus du diminue de moitié et le risque d'accident vasculaire cérébral rejoint celui d'un non-fumeur, après un an sans tabac. Arrêter de fumer à 40 ans augmente l’espérance de vie de 7 ans, arrêter à 50 ans améliore l’espérance de vie de 4 ans et arrêter à 60 ans améliore l’espérance de vie de 3 ans.
Colette, adhérente au service sophia, s'est libérée de la cigarette à l'occasion de la première édition de l'opération "Moi(s) sans tabac". Elle raconte.
Deux paquets et demi par jour
« J'ai commencé à fumer à l’âge de 15-16 ans… et j’ai continué pendant une cinquantaine d’années » calcule Colette, presque 70 ans aujourd’hui. « J’ai fumé jusqu’à deux paquets et demi par jour » poursuit-elle, « et finalement je me suis arrêté d’un coup, le 1er novembre 2016, à l’occasion de la première année de l’opération Moi(s) sans tabac. » Comme beaucoup de fumeurs, Colette avait déjà arrêté plusieurs fois : « j’ai tout essayé. Les patchs, les chewing-gums… mais ça ne marchait jamais. J’avais l’impression que ça ne servait à rien. Je pense que je n’étais pas prête. »
Puis, en 2016, vient l’opération Moi(s) sans tabac, organisée par Santé Publique France et l’Assurance Maladie, qui propose aux fumeurs d’arrêter collectivement à partir du 1er novembre pour un mois, voire plus…
Les deux dernières cigarettes
Ce principe convenait tout à fait à Colette. « Le 1er novembre, il ne me restait plus que deux cigarettes. Je me suis dit : je fume ces deux cigarettes et je n’en rachète plus. » Moi(s) sans tabac propose notamment un kit d’aide à l’arrêt, avec un accompagnement suivi, un calendrier, le calcul de l’argent économisé, des petits mots personnalisés…
« On me disait : c’est bien Colette, continue comme ça ! C’est sympa et ça motive » raconte-t-elle.
Les nombreux bénéfices
Par la suite, Colette a pu constater de nombreux bénéfices à l’arrêt du tabac : « la toux, c’est fini ! Et j’ai très vite retrouvé le goût des aliments, les odeurs des plantes…
C’est fabuleux ! On ne s’imagine pas tout ce que la cigarette nous empêche de ressentir. » Et le diabète dans tout ça ? Diagnostiqué il y a 4 ans, il est stable, « mais j’ai pris quelques kilos depuis l’arrêt. Je commence un suivi avec une diététicienne pour rééquilibrer tout ça. »
« Trouver son déclic »
« Je n’en reviens toujours pas ! » s’exclame Colette quand elle mesure le chemin parcouru. « Je n’avais jamais pensé que ce serait aussi facile. L’important c’est de se sentir prêt, de trouver son déclic, pour moi ça a été cette date du 1er novembre, et de se lancer. » L’opération Moi(s) sans tabac redémarre dans quelques semaines.
À bon entendeur…
Diabétique depuis 3 ans, avec un taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) satisfaisant, à 65 ans, Feghoul ne pensait pas développer de complications graves. Pourtant, en moins de deux mois, il a eu un infarctus puis un AVC. À l’hôpital, les professionnels de santé qui l’ont pris en charge lui ont expliqué que sa consommation de tabac associée au diabète avait augmenté son risque de souffrir de maladies
Dix cigarettes par jour, pendant 35 ans
« Pendant 35 ans, j’ai fumé une dizaine de cigarettes par jour, raconte-t-il. J’ai réussi à arrêter pendant deux ans, mais malheureusement, je suis retombé dans le piège. » Plusieurs essais sont souvent nécessaires pour parvenir à se libérer de la dépendance au tabac. « En septembre 2019, je suis tombé malade et j’ai dû être hospitalisé. Suite à mon infarctus, les médecins m’ont découvert un œdème pulmonaire. J’ai été placé en coma artificiel, intubé et sous assistance respiratoire… Cela a duré un mois. On peut dire que j’ai arrêté de fumer malgré moi ! » Peu de temps après sa sortie de l’hôpital, Feghoul est victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC).
Examens, chirurgie et soins intensifs
Feghoul a passé une coronographie. Cet examen a montré que ses artères étaient trop abîmées pour lui poser des stents, sorte de petits ressorts qui peuvent être placés dans les artères pour éviter qu’elles se bouchent. « J’ai dû être opéré à cœur ouvert pour changer ma valve cardiaque. Après l’opération, je suis resté encore un mois en soins intensifs. ». Aujourd’hui, Feghoul va beaucoup mieux. Il espère que son témoignage incitera des fumeurs à essayer d’arrêter. « Je conseille à tous les fumeurs de faire un tour dans les hôpitaux pour voir les dégâts causés par le tabac. Tout ça m’est arrivé à cause de la cigarette ! Et quand je fumais, j’étais tout le temps essoufflé, je ne sentais plus le goût des aliments… J’avais perdu le plaisir de savourer la vie. »
Combien de temps avez-vous fumé ? Quel a été votre déclic pour arrêter de fumer ?
« J’ai fumé une quinzaine d’années, environ 10 cigarettes par jour. Un soir en me couchant, je sens un gros sifflement lorsque je respire, j’ai eu peur d’avoir une grave maladie et d’en souffrir. C’est ce qui m’a définitivement décidée. Du jour au lendemain, la cigarette m’a écoeurée et la fumée m’incommodait. J’avais essayé une première fois, en diminuant de façon progressive, mais ça n’avait pas fonctionné. Ce qui a marché pour moi c’est l’arrêt total, d’un seul coup, sans avoir besoin de substituts nicotiniques. Bien sûr, cette idée était déjà dans ma tête, j’avais l’envie de stopper mais je ne l’appliquais pas. Il aura fallu attendre ce fameux sifflement. C’est important de respecter son corps, ses poumons, et de ne pas les abîmer davantage, surtout que le tabac aggrave les risques de complications liées au diabète. »
Quels effets avez-vous ressentis lorsque vous avez arrêté de fumer ?
« Des effets positifs ! J’ai retrouvé mes facultés olfactives, gustatives. On redécouvre les parfums, les saveurs,... Certes, au début on reprend du poids, donc il faut faire attention. J’ai retrouvé un bien meilleur souffle, je sens que mes poumons s’ouvrent, je sens également des effets sur l’épiderme avec une plus belle peau, un meilleur teint,… Et puis, je dors mieux et j’ai plus d’énergie la journée pour faire ce que j’aime : du jardinage, de la peinture,… Et pour le porte-monnaie, c’est bien mieux aussi ! »
Quels conseils donneriez-vous à des fumeurs pour arrêter de fumer ?
« Prendre conscience que la cigarette est réellement nocive, d’autant plus lorsqu’on est diabétique. Si on ne se sent pas capable comme moi d’arrêter seul, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par son médecin ou un tabacologue. Je sais également que pour certains, le geste de fumer peut manquer, ce qui amène à des rechutes. Aussi, j’avais une technique personnelle pour combler cette frustration : se munir d’une paille (coupée à la taille d’une cigarette) et faire semblant de fumer l’air. Comme cela, on a l’impression d’inhaler quelque chose, sans pour autant que ce soit nocif. »
Le professeur Vincent Durlach, diabétologue et tabacologue au CHU de Reims, intervenu lors de la Semaine Nationale de Prévention du diabète, revient sur les effets néfastes causés par le tabagisme et les complications liées au diabète. Il délivre notamment ses messages de prévention.
Quel est le lien entre le tabac et le diabète ? Fumer augmente-t-il le risque d’avoir du diabète ?
« Il apparaît que le tabagisme est diabétogène, c’est-à-dire que fumer favorise l’augmentation de la glycémie. Pour les personnes prédisposées au diabète, le risque d’en développer un est plus grand. Cette information étant peu connue, il est important de rappeler la nécessité de faire de la prévention auprès des patients et professionnels de santé. Les études épidémiologiques ont montré que le risque relatif de développer un diabète de type 2, augmente de 37 à 44 % chez les fumeurs, par rapport aux
non-fumeurs. Il est favorisé par l’augmentation de la résistance à l’, dit
« l’insulinorésistance », dû à la consommation de tabac. Il s’agit d’anomalies de sensibilité à l’, liées en partie à la nicotine, mais aussi à des modifications hormonales induites par cette dernière, notamment une accumulation de la graisse viscérale. Les fumeurs bien qu’ayant un poids plus bas que les non-fumeurs, ont une répartition différente de leurs tissus adipeux, qui se situent davantage au niveau du ventre, et qui accroît l’insulinorésistance. L'hypoxie (un niveau d’oxygène plus faible),
à laquelle les fumeurs sont exposés, peut aussi expliquer l’inefficacité de l’. »
Quels sont les effets néfastes du tabac sur une personne fumeuse et souffrant de diabète ?
« Ce qui est important à retenir, c’est qu’en réalité, le premier facteur de mortalité des personnes diabétiques, c’est le tabac. Ce n’est pas un scoop ! Fumer n’est pas bon pour la santé (75 000 décès évitables par an). Le tabagisme a un impact sur les systèmes cardiovasculaires et métaboliques. Indépendamment du diabète, c’est un facteur de morbi-mortalité cardiovasculaire connu. Le diabète favorise non seulement le risque de développer des maladies cardiovasculaires, mais aussi le risque d’en décéder (prioritairement par un infarctus du )... Le tabagisme majore les complications macroangiopathiques (c’est-à-dire les risques d’infarctus, d’AVC,…), mais également la microangiopathie (néphropathie chez le diabétique de type 2 et rétinopathie chez le diabétique de type 1). Il a également une incidence sur l’équilibre du diabète, car il provoque une instabilité glycémique (les personnes insulinodépendantes ont plus de fluctuations glycémiques, et présentent plus d’hypoglycémies). »
Le tabac a-t-il des effets sur l’alimentation ? Le cholestérol ?
« Les personnes fumeuses ne s’alimentent pas de la même manière : avec la consommation de tabac, elles subissent des pertes de saveur, ce qui les incite à manger des aliments plus agréables (plus gras, sucrés). Cela peut avoir une incidence sur l’équilibre du diabète. Toutefois, ceux qui arrêtent de fumer ont plutôt tendance à prendre du poids, en perdant l’effet anorexigène de la cigarette. Il faut donc être vigilant ! 70% des fumeurs qui stoppent le tabac, prennent en moyenne 4 à 5 kilos dans les six mois qui suivent l’arrêt du tabac (15% ne prennent pas de poids, voire en perdent).
Ce paradoxe est un sujet préoccupant chez les patients atteints de diabète, où la priorité est principalement d’arrêter de fumer, tout en sachant que la prise de poids à suivre est fréquente. Il est primordial d’accompagner et de bien orienter les patients vers une alimentation équilibrée. »
Et sur l’état psychologique / la santé mentale ?
« Les fumeurs ayant un diabète ou non sont généralement plus anxieux, stressés, déprimés. Le lien complexe entre tabac et souffrance psychique est établi.
Les consommateurs sont persuadés qu’il s’agit d’un anti-stress, mais c’est un leurre !
Le soulagement du stress et de l’anxiété est très transitoire. En revanche, la cigarette peut être un facteur social, de convivialité, ou « de détente ». L’espérance de vie est réduite jusqu’à 20 ans chez un patient qui fume et qui consomme des , pouvant notamment favoriser le diabète. »
Existe-t-il une différence entre les hommes et les femmes en termes de fragilité, par rapport au tabagisme ? Et à la prédisposition au diabète ?
« Épidémiologiquement, et d’une façon générale, les femmes ont une sensibilité accrue aux facteurs de risques liés au diabète, et l’augmentation du tabagisme féminin ces dernières années est préoccupante. Les femmes fumeuses et souffrant de diabète, courent un risque de développer un diabète gestationnel, pouvant entraîner de nombreuses complications lors de la grossesse, et présentent un risque accru d’infarctus du . »
Quels conseils ou méthodes donneriez-vous pour arrêter le tabac ? Faut-il s’orienter vers un tabacologue ou bien un diabétologue ?
« Il n’y a pas de méthodes spécifiques concernant les personnes atteintes de diabète, et il convient d’appliquer les principes généraux de l’aide au tabagique (que nous développons dans notre publication récente) 1, avec, cependant, une attention particulière sur la prise de poids et la gestion du stress et de l’anxiété. Pour ce qui est d’atténuer les symptômes d’anxiété voire de dépression, il est possible de travailler avec des professionnels tels que des psychologues, ou tenter d’autres procédés pour réduire son anxiété. Les consultations doivent se faire dans un climat empathique, tout en délivrant des messages fermes ! Dans la hiérarchie, le premier interlocuteur reste le médecin généraliste, qui peut ensuite orienter ses patients vers des professionnels concernés. Il est indispensable d’aider les professionnels de santé à aborder au mieux le tabagique dans leurs pratiques quotidiennes. Notre souhait, avec la Fédération Française des Diabétiques, la Société Francophone du Diabète, et la Société Francophone de Tabacologie, est qu'il y ait dans les équipes de soin pluridisciplinaires, quelqu’un de formé, un correspondant tabacologue ou bien un contact avec une structure de prise en charge dédiée. »
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